Alain Pompidou, le fils de l’ancien président de la République, raconte dans un livre la passion de sa mère, Claude, pour la culture.
Docteur en médecine, biologie et science, Alain Pompidou avait dressé en 1990 un portrait de son père dans Lettres, notes et portraits 1928-1974 réalisé avec Éric Roussel (réédité en 2012 chez Robert Laffont). Celui qu’il consacre, vingt-six ans après, à Claude Pompidou traverse la vie de sa mère, indissociable de celle de son époux Georges Pompidou et de leurs relations à l’art et à la culture.
Pourquoi ce livre sur votre mère ?
On a une image d’« une élégance sans étiquette » comme l’a parfaitement définie Bernard Esambert, d’une amie des arts et de la culture, qui après la disparition de son époux a présidé à la réalisation du Centre Pompidou et à celle de la Fontaine Stravinsky. Mais sa personnalité, on ne la connaît pas. C’est un personnage complexe, il est vrai toujours un peu en retrait, extrêmement pudique tout en aimant rester influente sans jamais prendre toutefois position. Dans son livre L’élan du cœur (Éditions Plon, 1997) elle a dit beaucoup de choses sur elle, mais aussi sur la société et son évolution. J’avais en tête cependant qu’elle ne s’était pas livrée complètement. Le hasard a voulu qu’il y ait chez Flammarion un projet de livre sur Claude Pompidou et que le directeur Thierry Billard, directeur éditorial des documents, ait pensé que j’étais la meilleure personne pour l’écrire. Je me suis pris au jeu. Je me suis plongé dans les archives de ma mère et j’ai découvert un petit carnet en cuir dans lequel elle consignait sur chaque page ce qu’elle pensait d’elle et de son parcours depuis sa naissance ; carnet qu’elle a utilisé pour la rédaction de son livre, mais qu’en partie.
Quelle a été l’influence de votre mère sur votre père ?
On ne peut parler en termes d’influence. L’un n’a pas été plus moteur que l’autre dans leurs goûts ou dans leurs choix. Dès leur rencontre, ils ont été un couple fusionnel. Georges Pompidou est sans doute le dernier président de la République qui est resté fidèle à sa femme toute sa vie. Entre eux, il y avait une interaction permanente. Leur passion pour l’art, la culture était partagée, intégratives. Elle les reliait l’un à l’autre. Je l’ai vécue.
C’est votre mère pourtant qui a convaincu votre père de faire revenir Pierre Boulez des États-Unis pour préfigurer et prendre la direction de ce qui deviendra l’Ircam malgré les oppositions ?
Effectivement. Tout comme elle a suggéré la nomination de Rolf Liebermann à l’Opéra de Paris et plus tard, après la mort de Georges Pompidou, elle s’est engagée à ce que le centre culturel qu’il avait voulu sur le plateau Beaubourg ne soit pas enterré ni dénaturé.
Elle a eu à cet égard un rôle non négligeable dans les nominations de ses présidents successifs.
Disons plutôt qu’elle n’a jamais poussé une nomination ni pressenti tel ou tel nom. Jacques Chirac ou Jack Lang ont toujours pris son avis. Claude était le porteur de mémoire du projet et de la vision de Georges Pompidou. Jacques Chirac lui a ainsi demandé de recevoir Alain Seban qui est arrivé tout intimidé rue de Béthune.
Pourquoi votre mère, qui détestait l’Élysée et le milieu politique, a-t-elle continué à organiser des dîners où tout le gotha se retrouvait, de droite comme de gauche ?
Par devoir de veuve du président de la République et par capacité d’influence. Elle considérait qu’elle devait recevoir les chefs de l’État et les premiers ministres successifs. Tous étaient ravis de ces dîners où ils côtoyaient les Rothschild, les Chirac, les Balladur. Claude aimait recevoir. Elle était très à l’aise.
Votre mère a toujours refusé le terme de collectionneuse. Pour quelles raisons ?
Car mes parents se considéraient comme des amateurs. Ce qui les passionnait c’était de rentrer en résonance avec la création contemporaine. Quai de Béthune ou à Carjac, les artistes se sentaient bien avec ma mère, avec Georges ou sans Georges. Si Georges était là c’était encore mieux. Niki de Saint-Phalle et Nina Kandinsky ont été avec Pierre Soulages, Hélion et plus tard Martial Raysse, les artistes les plus proches de Claude. Elle a continué à développer après la mort de mon père ces liens, y compris avec les galeristes, en particulier Karl Flinker, un ami de cœur comme Raymond Cordier. Les artistes lui donnaient une dimension dont elle avait besoin.
Que reste-t-il de ce fonds d’œuvres ?
J’en ai vendu un tiers qui a été expertisé lors de la succession par Sotheby’s. Le reste est chez moi. Un nombre non négligeable composera l’exposition organisée en juin prochain au domaine national de Chambord par Yannick Mercoyrol (responsable de la programmation culturel) pour les quarante ans du Centre Pompidou en collaboration avec le musée.
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Alain Pompidou : « Les artistes lui donnaient une dimension dont elle avait besoin »
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Abonnez-vous dès 1 €Alain Pompidou, Édition Flammarion. 351 p., 19,90 €.
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Alain Pompidou © Photo Livia Saavedra
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : Alain Pompidou : « Les artistes lui donnaient une dimension dont elle avait besoin »