PARIS
Les outils du maçon font partie du vocabulaire de l’œuvre de cet artiste fasciné tant par la géométrie que par l’histoire de l’art, présenté par la galerie Éric Dupont.
Paris. Pour financer ses études, lorsqu’il suivait les cours de l’École des beaux-arts et d’architecture de Marseille-Lumigny où il obtint son diplôme en 1992, Yazid Oulab (né en Algérie en 1958) exerçait le métier de maçon. Il en a gardé des traces et en particulier le souvenir des outils et instruments qu’il a, par la suite, régulièrement introduits dans son travail plastique, à l’image de la truelle, du fil à plomb, du tamis, des clous ou de l’échelle…
L’échelle, justement, se tient au centre de cette septième exposition (depuis 2005) à la galerie Éric Dupont. D’une part sous la forme d’un échafaudage avec ses barreaux, réalisé en corde rigidifiée dans de la résine et dressé tel un promontoire avec vue sur la galerie. D’autre part, sous un autre angle, au sens premier et géométrique du terme, à travers une déclinaison de petites équerres, à différentes échelles, avec leurs angles droits soulignés par des carrés (et donc encore des angles) de couleur, jaune, bleue ou rouge, référence revendiquée à Mondrian ou à Gerrit Rietveld. À l’exemple de cet instrument de dessin, les œuvres et l’exposition dans son ensemble sont rigoureuses et très construites. En toute logique pour Oulab, à la fois arpenteur et bâtisseur, qui sait que la maçonnerie est un des éléments de l’architecture et qui témoigne ici de son penchant tant pour la géométrie (n’hésitant pas à convoquer Euclide, Vitruve ou Pythagore) que pour l’histoire de l’art, de la Renaissance au constructivisme, de Léonard de Vinci à Malévitch. Un cube de 1 m x 1 m, ajouré et uniquement dessiné par ses arêtes en acier, trône d’ailleurs au centre de la galerie, clin d’œil au fameux nombre d’or, qui selon la formule de la « divine proportion » donne son titre à l’exposition : (1 + √5)/2.
Autant de télescopages, de raccourcis et d’étapes qu’Oulab franchit en sauts de mouton, ce mouton dont, en 2006, il prenait un morceau de peau pour dessiner un couteau et faire ainsi d’une sculpture murale à la fois l’objet et le sujet d’un sacrifice.
D’autres outils sont à l’œuvre dans cette exposition : le fil de fer en version barbelé ; l’ardoise en damiers où sur certaines cases Oulab a écrit « bla-bla-bla » (en référence à une vidéo de Joseph Beuys) ; ou encore le cordeau pour tirer des traits. Trois tableaux sont ici réalisés à l’aide de cette technique qui, pour le premier, voit l’artiste faire claquer un fil imbibé de peinture blanche sur un fond gris pour y laisser une succession de lignes horizontales vibratoires. Et, pour les deux autres toiles, laisser tomber ce même fil de façon plus aléatoire, un peu à la manière des 3 stoppages-étalon de Marcel Duchamp, et jouer cette fois un peu plus sur l’aléatoire, la corde sensible. Car derrière l’apparente froideur de la géométrie et l’enquiquinant « carré de l’hypoténuse » (dont, pour mémoire, le carré est égal à la somme des carrés des deux autres côtés) ici bien vivace, preuves à l’appui, il ne faut pas oublier que se cache dans l’œuvre d’Oulab une profonde quête de spiritualité, de poésie et d’élévation. Et même d’humour, souvent grinçant.
Pour rester dans les nombres et les chiffres, le prix des œuvres va de 2 400 euros pour les plus petites équerres à 30 000 euros pour l’échafaudage – une somme qui peut paraître élevée mais, comme pour toutes les œuvres de grande taille chez Oulab, le coût de production est important. Éric Dupont précise que « c’est un artiste au marché soutenu, qui a également une galerie à Londres, Selma Feriani, et une autre au Portugal, Caroline Pagès, et [qu’il vend] régulièrement aussi bien à des collectionneurs privés qu’à des institutions publiques ». Yazid Oulab est par exemple présent dans les collections du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou à Paris comme dans celles du Musée des Abattoirs à Toulouse ou du Musée national d’art contemporain de Lisbonne.
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Yazid Oulab à l’équerre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°513 du 14 décembre 2018, avec le titre suivant : Yazid Oulab à l’équerre