À l’heure où les deniers de l’État sont mobilisés pour sauver l’économie, le fonds de dotation relance le financement privé de la culture.
Pour attirer les mécènes, on connaissait les fondations, les associations simplement déclarées et les associations reconnues d’utilité publique. Depuis la loi LME(1) adoptée cet été, une nouvelle structure est mise à disposition poursuivant le même objectif : le fonds de dotation. Comme son nom l’indique, le fonds de dotation est inspiré des « endowment funds » américains, qui gèrent notamment les sommes astronomiques versées par les anciens élèves aux grandes universités. Le fonds de dotation a, quant à lui, un objet beaucoup plus large puisqu’il vise à contribuer à la réalisation de toute mission d’intérêt général, ainsi la conservation d’une collection de tableaux. Mais il peut aussi redistribuer ses revenus pour assister une personne morale à but non lucratif, telle qu’un musée, dans l’accomplissement de ses missions d’intérêt général. Du point de vue des donateurs, le fonds de dotation offre essentiellement les avantages fiscaux du mécénat, c’est-à-dire une réduction d’impôt qui s’élève à 60 % du montant des versements pour les entreprises (2), et à 66 % de celui-ci pour les particuliers (3). Mais ce n’est pas tout. Le fonds de dotation possède de nombreuses caractéristiques qui lui sont propres et qui ont vocation à susciter des financements privés.
Simplicité
Schématiquement, il fallait auparavant choisir entre la facilité (via le statut de l’association) et la capacité juridique (celle de la fondation ou de l’association reconnue d’utilité publique). Le fonds de dotation offre désormais la possibilité de cumuler ces avantages.
En premier lieu, cette structure se démarque de la fondation par la simplicité des démarches nécessaires à sa création. Là où il faut obtenir un décret en Conseil d’État pour établir une fondation, une simple déclaration en préfecture publiée au Journal officiel suffit pour le fonds de dotation. Là où six à vingt-quatre mois sont nécessaires pour constituer une fondation, le délai est réduit à un mois environ pour le fonds de dotation. Alors, enfin, que la pratique requiert une dotation initiale de 800 000 à 1 000 000 euros minimum pour une fondation, une dotation initiale n’est même pas obligatoire dans le cas des fonds de dotation.
Cet allégement se retrouve ensuite dans l’organisation du fonds de dotation puisque ses statuts sont déterminés par les fondateurs, alors que des statuts-types (4) sont quasiment imposés aux fondations en vue de leur reconnaissance d’utilité publique.
Par conséquent, la gouvernance du fonds peut tout à fait rester entre les mains des fondateurs, lesquels devront seulement prévoir la composition, les conditions de nomination et de renouvellement des membres du conseil d’administration (composé de trois au minimum) et du président. On est loin de la rigidité des fondations, dont les trois collèges nécessaires au fonctionnement doivent garantir l’indépendance à l’égard des fondateurs.
Capacité juridique et contrôles
Doté de la personnalité morale et, en conséquence, d’un patrimoine à compter de la publication de sa déclaration à la préfecture, le fonds de dotation dispose d’une pleine capacité juridique. Il peut donc contracter, ester en justice, et posséder tout type de biens, jusqu’à des immeubles non nécessaires à la réalisation de son objet social (5). Il peut en outre recevoir des dons et legs, sans déclaration ni droit d’opposition du préfet comme c’est le cas pour les fondations et associations (6).
Structure souple dans son fonctionnement, le fonds de dotation n’en demeure pas moins soumis à d’importants contrôles, qui assureront la confiance des donateurs. Le premier volet de ce contrôle s’inspire des mécanismes du droit des sociétés. Le fonds de dotation doit établir des comptes annuels et nommer un commissaire aux comptes tenu d’alerter l’autorité administrative compétente dans le cas où la continuité de l’activité du fonds serait mise en péril.
L’autorité administrative est également chargée de veiller à la régularité du fonctionnement du fonds de dotation. À ce titre, le fonds doit lui adresser chaque année un rapport d’activité auquel sont joints les comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes. L’autorité administrative peut encore se faire communiquer tous les documents et est investie d’un pouvoir d’investigation. En cas de dysfonctionnements graves, elle peut suspendre l’activité du fonds pendant une durée de six mois au maximum ou saisir l’autorité judiciaire aux fins de dissolution.
Enfin, si le fonds souhaite faire appel à la générosité du public, il devra obtenir une autorisation administrative préalable, et joindre une annexe aux comptes annuels indiquant l’emploi des ressources ainsi collectées.
Ressources
Il faut distinguer entre les ressources capitalisées et les ressources disponibles. Feront l’objet d’une capitalisation les dotations irrévocables apportées au fonds ainsi que les dons et legs qui lui sont consentis. En principe, ce qui est capitalisé ne peut être consommé par le fonds, sauf disposition spéciale des statuts. Constituent, à l’inverse, des ressources disponibles les revenus tirés de ses dotations, les produits des activités autorisées par les statuts, et les produits des rétributions pour service rendu. Les dons issus de la générosité publique peuvent être capitalisés ou mis à disposition du fonds.
Grande spécificité à l’égard des fondations, le fonds de dotation ne peut recevoir aucune subvention publique. Pour déroger à cette règle, il faudra une décision spéciale des ministres de l’Économie et du Budget justifiée par l’importance ou la particularité d’une œuvre ou d’un programme d’actions.
Le fonds de dotation arrive à point nommé dans un contexte de baisse prévisible des dotations de l’État en faveur de la culture, et de développement des partenariats public-privé (les fameux « PPP »). Voué en effet à recueillir des fonds privés, le fonds de dotation n’en est pas moins ouvert à tous puisqu’il peut être créé, même sans dotation initiale, par toute personne privée ou personne publique (7), association ou fondation.
(1) Loi de modernisation de l’économie (« LME ») no 2008-776 du 4 août 2008. Selon Christine Lagarde, ministre de l’Économie, les décrets d’application seront publiés au plus tard le 31 décembre 2008.
(2) Dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires (article 238 bis CGI [code général des impôts]).
(3) Dans la limite de 20 % du revenu imposable (article 200 CGI).
(4) Statuts-types adoptés par le Conseil d’État dans un avis du 2 avril 2003.
(5) À l’image des fondations, mais à l’inverse des associations reconnues d’utilité publique.
(6) Article 910 du code civil.
(7) Rappelons que la capacité d’une personne publique à créer une fondation fait toujours débat.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Une seconde jeunesse pour le mécénat
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Une seconde jeunesse pour le mécénat