À l’issue de la première semaine de la Biennale des antiquaires, les acheteurs restaient timides.
Entre l’inauguration de la Biennale des antiquaires, les premiers vernissages off et Kaos-Parcours des mondes, la rentrée parisienne avait des allures de marathon. L’optimisme était de rigueur et l’ambiance, moins crispée que l’an dernier. Mais derrière l’écume, on sent l’attente d’une reprise qui joue toujours à cache-cache. Médiatisées sur des atmosphères ou des personnalités, les ventes Mira Jacob, Madeleine Castaing ou Julien Levy offrent de lourds catalogues d’où ne pointent que peu de chefs-d’œuvre. Elles masquent un désert automnal tout juste rompu par la vente-fleuve « Del Duca », programmée en novembre à Drouot. Bien que les antiquaires de la Biennale aient cherché à recréer l’ambiance du Grand Palais à grand renfort de vraies ou fausses boiseries, les découvertes se sont comptées sur les doigts de la main. Malgré le panache de certains décors, on y respirait un parfum de déjà-vu entre le Picasso de la galerie Landau et le Jean Beraud chez François Fabius, sans oublier le portrait d’homme de Cranach chez Bob Haboldt. La plupart des stands du XVIIIe siècle arboraient un esprit period room monolithique qui n’est plus d’actualité. La communication de certains marchands de cette spécialité laissait d’ailleurs perplexe. Est-ce bien raisonnable de réaliser une publicité groupée, mettant en exergue un bureau de pente présenté lors de la Biennale 2002, et acheté chez Tajan un an auparavant ? Seuls ceux qui s’attachent à un Siècle des lumières éclectique, flirtant parfois avec le XIXe siècle, peuvent tirer leur épingle du jeu. C’est notamment le cas d’Alexis et Nicolas Kugel, lesquels ont inauguré en grande pompe leur superbe espace le soir du dîner de la Biennale. En faisant un pied de nez au Salon, les Kugel faisaient aussi une pichenette à un esprit ankylosé.
La réussite d’une Biennale dépend largement du bon vouloir des Américains. Plusieurs visiteurs de choix s’étaient déplacés lors des premiers jours. Mais les fêtes juives de Rosh Hashana et Yom Kippour ont réfréné certains habitués, absents du dîner. Lors de la première semaine, les collectionneurs ont gardé la main serrée sur leurs portefeuilles et le climat commercial était mou. Pour qui connaît la fièvre acheteuse de la Foire de Bâle, cet attentisme laisse rêveur. C’est d’ailleurs fort de son expérience à la tête de la foire helvétique que Lorenzo Rudolf convie le 27 septembre les antiquaires de la Biennale à une réunion de sensibilisation au salon d’antiquaires de Palm Beach, prévu du 5 au 13 février 2005. Relookée, la foire s’est dotée d’un nouveau nom de guerre et d’un label : « Palm Beach ! » Le point d’exclamation accolé à cette ville, plus cosy que « déchaînée », fait sourire. L’argument est toutefois pragmatique : les Américains sont venus à la Biennale, mais n’ont dépensé que timidement. Aussi faut-il aller les convaincre sur leur propre terrain. Mais là non plus, le chemin n’est pas pavé d’or. Il faut compter désormais sur des transactions de plus en plus longues. Un étirement des enjeux qui remet en question le concept fondateur des salons : l’unité de lieu et de temps.
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Une rentrée marathon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°199 du 24 septembre 2004, avec le titre suivant : Une rentrée marathon