Avec 3,8 millions d’euros récoltés frais compris, soit 3 millions d’euros au marteau, la dispersion des œuvres liées à l’affaire Aristophil par l’OVV Aguttes à Drouot reste dans la fourchette de son estimation, mais « ravale » 30 % des lots.
Paris. Le 20 décembre dernier se déroulait la première session de la vente des œuvres liées au scandale Aristophil, société spécialisée dans le commerce de manuscrits et autographes, liquidée en 2015, qui aurait floué quelque 35 000 épargnants pour un préjudice avoisinant le milliard d’euros. La vente a fait salle comble. Il fallait montrer patte blanche pour y participer et de nombreux spectateurs n’ont pu y assister.
La vacation, estimée au départ 11 à 15 millions d’euros, a dû revoir ses prétentions à la baisse, de 2,5 à 3,5 millions à la suite du retrait des deux lots phare. Classés « trésor national » six jours avant la vente - la ministre de la Culture a signé les arrêtés refusant les certificats d’exportation - le rouleau du marquis de Sade (est. 4 à 6 M€) et les cahiers d’André Breton (est. 4,5 à 5,50 M€) devraient faire l’objet d’une négociation avec l’État en vue de leur acquisition de gré à gré. « L’administrateur judiciaire, Me Hotte, m’a autorisé à démarrer dès le mois de janvier 2018 une négociation avec l’État », a indiqué le commissaire-priseur Claude Aguttes en préambule de la vente. L’État dispose de trente mois durant lesquels les œuvres sont interdites de quitter le territoire pour les acquérir, probablement à l’aide d’une opération de mécénat.
La majorité des pièces sont restées dans la fourchette de leurs estimations, voire en dessous, tandis que d’autres sont sorties du lot. C’est le cas notamment de l’un des deux seuls manuscrits d’Honoré de Balzac encore en mains privées, Ursule Mirouët, acquis pour 1,1 million d’euros par le libraire Jean-Claude Vrain, lequel est par ailleurs poursuivi dans cette affaire pour avoir cautionné les estimations stratosphériques d’Aristophil du temps de sa splendeur. Autre prix conséquent, le manuscrit médiéval Histoire d’Alexandre Le Grand, vers 1480, de Quinte-Curce, richement enluminé, a été adjugé 832 000 euros au libraire Jacques Benelli (est. 300 000 à 500 000 €). Sur les 185 lots proposés à la vente, 54 n’ont pu être vendus. Ainsi, le témoignage d’une rescapée du Titanic, Helen Churchill Candee, estimé 300 000 à 400 000 euros n’a pas trouvé preneur, alors même que Jean-Claude Vrain l’avait estimé en 2012 en 2 heures sans l’avoir eu entre les mains - sur demande de Gérard Lhéritier, patron d’Aristophil - à 1,1 million d’euros. Édifiant.
« Au final, il y a eu 30 % d’invendus alors que les estimations étaient très basses, ce qui est énorme. Et que vont devenir les lots qui n’ont pas été vendus ? Ils seront remis en vente plus tard ? C’est infini », lance Frédéric Castaing, expert en autographes et manuscrits. De fait, pas moins de 130 000 pièces doivent être dispersées en tout. Il est prévu que 300 vacations se tiennent en six ans, soit cinquante ventes par an, donc environ une vente par semaine. « De la folie douce ! », commente l’expert. Mais les plus lésés restent les investisseurs, qui, du fait de la surévaluation des œuvres au moment de leur acquisition, ne devraient récupérer que 10 à 15 % de leur mise de départ. « Il y avait beaucoup de visiteurs, mais peu d’acheteurs. Je suis triste comme un jour de deuil et les résultats confirment ce que l’on pensait : la vente a été mal préparée », a commenté Alain Poncet, président de l’association de défense de consommateurs Cparti, qui avait tenté de faire suspendre la vente auprès du CVV, demande rejetée le 13 décembre. Aux dernières nouvelles, Cparti a saisi le commissaire du Gouvernement pour qu’il statue sur « toutes les infractions déontologiques que nous avons relevées », selon Alain Poncet.
Créée par Gérard Lhéritier dans les années 1990, la société Aristophil proposait des autographes et manuscrits de personnages illustres à travers des contrats d’investissement (essentiellement en indivision, mais aussi en pleine propriété) promettant des rendements de 8 % par an, jamais honorés. En novembre 2014, la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) assistée de la brigade financière lançait plusieurs perquisitions, notamment au domicile du fondateur, chez son expert-comptable et plusieurs gestionnaires de patrimoine. En août 2015, la société était mise en liquidation judiciaire. Gérard Lhéritier était quant à lui mis en examen la même année pour escroquerie en bande organisée et blanchiment de fraude fiscale, ainsi que sa fille, son expert-comptable, des experts ou encore son notaire. Depuis, l’instruction suit son cours au pénal devant trois juges dont Charlotte Bilger. « La procédure fait pour l’instant 1,60 mètre d’épaisseur », rapporte une source proche du dossier. Gérard Lhéritier devrait être entendu par la juge d’instruction prochainement. À côté de l’action pénale, plusieurs actions civiles sont en cours, comme celles de l’ADC54 et l’Adilema, associations de défense de consommateurs, qui ont agi en justice contre le notaire qui a rédigé les conventions des indivisions. Enfin, la procédure de liquidation n’est toujours pas terminée devant le tribunal de commerce de Paris, puisque Valérie Leloup-Thomas, la liquidatrice, vient juste, début décembre, d’envoyer des lettres de contestation de créances.
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Une première vente du fonds d’Aristophil à la peine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°492 du 4 janvier 2018, avec le titre suivant : Une première vente du fonds d’Aristophil à la peine