Les galeries du quartier du Marais, à Paris, explorent chacune à leur manière
le dialogue fertile de la nature avec la culture.
PARIS - Le regard s’envole très au loin, dans les galeries à Paris. À voir à la galerie Chantal Crousel, Eclipses (2006-07), récente série de tableaux de José María Sicilia, qui s’inspire de motifs d’ailes de papillon, prétextes à des digressions sensibles, délicates et poétiques. Les rythmes naturels semblent s’y déployer en de parfaites harmonies, d’autant plus que les coloris aux tonalités minérales et végétales semblent adoucis et comme liés dans un dialogue avec la cire d’abeille versée dans le châssis avant leur application. Un procédé qui confère à l’ensemble une lumière unifiée, totalement constitutive de l’impression de souplesse et de plénitude qui se dégage des compositions. Avec grâce et délicatesse, le peintre espagnol semble ordonnancer des rythmes naturels imperceptibles et fugaces, qu’une impression de flottement inscrit pourtant dans la durée. Sicilia capture une beauté éphémère qui nous échappe et refuse de se laisser enfermer, ni par le cadre ni par le regard (jusqu’au 5 mai).
Rue Saint-Claude, deux expositions, toutes deux inégales, révèlent chacune de belles surprises. Chez Frank Elbaz, Rainier Lericolais s’essaie à une improbable Tentative de moulage d’eau (2007). En versant de la paraffine chaude sur des surfaces d’eau, l’artiste obtient d’intrigantes formes, sortes de galettes baroques recroquevillées sur elles-mêmes, dont l’étrange beauté semble provenir autant de leur aspect que de l’impossibilité même de leur exécution (jusqu’au 26 mai). À la galerie LH, le critique d’art Judicaël Lavrador a invité le jeune artiste suisse Vincent Kohler. Maniant habilement une sensibilité très onirique adossée à une nature flirtant avec le fantastique, ce dernier s’avère plus pertinent dans la deuxième partie de son accrochage. Plongée dans le noir, avec un éclairage très sélectif et un peu de fumée, la salle voit émerger des ogives en bois, qui, scrutées d’en haut, recomposent des damiers (Ogives, 2004), et une autre en miroir, étrange phare perdu dans la nuit (The Great Mogul, 2004) (jusqu’au 27 mai).
Jeux de matières
Chez Éric Dupont, Gabrielle Wambaugh expose des sculptures où elle prend visiblement plaisir à assembler des matières et des impressions antagonistes : vrais pneus ou faux moulés en argile émaillée à effet miroir, « chips » de protection en porcelaine blanche… Surtout, accrochés aux murs, ses branchages en terre liés par du caoutchouc translucide procèdent comme de singulières extensions où les matières s’assimilent entre elles (jusqu’au 26 mai).
Thaddaeus Ropac s’agrandit en annexant un étage supplémentaire exclusivement consacré au dessin, inauguré avec des icônes pop croquées par Andy Warhol. Les deux autres niveaux de la galerie accueillent Stephan Balkenhol. Tout à son habitude de faire alterner ronde-bosse et relief, l’artiste déploie ses figures dont, nouveauté, certaines dialoguent désormais avec un panneau ou un objet placé au mur derrière elles (Aviatrice avec hélice, 2007). Surtout, ses grandes compositions figurant des paysages architecturaux, avec leur aspect brut et imparfait (Suisse saxonne ; Banlieue, 2007), revigorent avec ardeur la pratique du bas-relief (jusqu’au 19 mai).
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Une poétique de la matière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°258 du 27 avril 2007, avec le titre suivant : Une poétique de la matière