Ventes aux enchères

VENTES PUBLIQUES

Un bronze de Camille Claudel au plus haut

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 27 février 2025 - 730 mots

« L’Âge mûr » a été adjugé 3,6 millions d’euros chez Philocale à Orléans. Un prix qui confirme l’engouement croissant pour les œuvres de l’artiste.

Orléans. Le 16 février, dans la salle de spectacle du Conservatoire d’Orléans réservée pour l’occasion, il aura fallu presque vingt minutes pour qu’un bronze de Camille Claudel (1864-1943), L’Âge mûr (créé en 1898 et fondu en 1907, exemplaire n°1), soit adjugé pour 3,1 millions d’euros, sous un tonnerre d’applaudissements. Il s’agit du deuxième plus haut prix jamais atteint aux enchères pour l’artiste, après La Valse, première version, qui avait été adjugée à 6 millions d’euros chez Sotheby’s, à Londres en 2013.

Cette adjudication (au-delà de l’estimation de 1,5 à 2 M€) vient couronner une belle histoire : c’est grâce à un inventaire mené en septembre dans un appartement au pied de la tour Eiffel, inhabité depuis plus de quinze ans, que Maître Matthieu Semont a retrouvé, cachée sous un drap, la sculpture oubliée de tous, depuis ses dernières présentations dans la galerie d’Eugène Blot en 1907 et 1908.

L’œuvre, conçue au moment de sa rupture avec Rodin, évoque les trois âges de la vie, « la jeunesse », « l’âge mûr » et « la vieillesse ». « Elle est un témoignage poignant d’un drame intime », a commenté Maître Semont, juste avant de lancer les enchères tout en confiant « avoir le cœur battant à la chamade ». Seuls trois autres bronzes de ce modèle sont connus : un au Musée d’Orsay, un autre au Musée Rodin à Paris et un dernier au Musée Claudel à Nogent-sur-Seine.

L’œuvre aurait-elle pu être vendue plus cher ? « C’était le prix que nous visions et, à mon avis, c’est le prix du marché à ce moment-là », a indiqué l’expert de la vente Alexandre Lacroix (cabinet Lacroix-Jeannest), avant d’ajouter : « L’œuvre a été acquise non pas par le commerce mais par une institution – qui pour l’instant ne veut pas révéler son nom. Si cela valait plus, les marchands auraient continué d’enchérir. »

Par ailleurs, même si cette sculpture est une œuvre majeure dans la carrière de Camille Claudel – et dans l’histoire de l’art –, avec une fonte au sable virtuose, « elle n’est pas si facile et ne peut pas aller chez tout le monde, avec cette idée de la mort, ce côté presque un peu violent. Ce n’était pas une sculpture facile à vendre », a souligné l’expert.

La cote de Camille Claudel ne cesse de grimper. D’abord, parce que ses œuvres se raréfient et sont peu nombreuses sur le marché. « Elle arrête de sculpter très vite. En tout, elle a dû créer une soixantaine de modèles », rapporte l’expert. Le marchand de sculptures Jean-Baptiste Auffret (galerie Malaquais) – l’un des sous-enchérisseurs – ajoute : « Il doit y avoir moins de 300 bronzes. Une seule œuvre, guère plus, passe en vente par an. »

Les premiers ouvrages, la thèse de Reine-Marie Paris (son arrière-petite-nièce), le film avec Depardieu et Adjani, ont remis Camille Claudel sur le devant de la scène. « Mais avant les années 80-90, cela ne valait pas grand-chose. Depuis une dizaine d’années, ça monte, parce que le personnage est fascinant et que son histoire est à la fois tragique et glamour », analyse Alexandre Lacroix. Ce que confirme Jean-Baptiste Auffret : « C’est un marché qui est en train d’exploser. Jusqu’à présent, on regardait la vie de Camille Claudel avant de regarder son œuvre. Mais désormais, on s’aperçoit que, certes, c’est une femme, mais c’est surtout une immense artiste. Le “Portrait de Rodin” est pour moi une œuvre absolue, adjugée 1,1 million d’euros chez Sotheby’s Londres en 2015. »

Aujourd’hui pour acquérir un bronze authentique de Camille Claudel, il faut compter autour de 100 000 euros. « Pour les fontes posthumes, il faut diviser par 10. Par exemple : “La Valse” vaut 1,4 million alors qu’une fonte post-mortem en vaut 150 000 », annonce Jean-Baptiste Auffret, qui ne présente pas moins de cinq sculptures de l’artiste à la TEFAF de Maastricht – une prouesse – dont Tête d’esclave, proposée autour de 100 000 euros. À titre de comparaison, L’Implorante, estimée aujourd’hui à environ 500 000 euros, a été adjugée à 432 000 euros lors de la dernière vente chez Sotheby’s New York, en 2022. C’est sans commune mesure avec les sculptures de Rodin – Le Penseur est évalué à plus de 10 millions. « Je pense qu’un jour, Claudel dépassera Rodin car elle est plus rare sur le marché », estime le marchand.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°650 du 28 février 2025, avec le titre suivant : Un bronze de Camille Claudel au plus haut

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