Marcelle Alix a convié sa consœur Florence Bonnefous pour une conversation autour d’une esthétique de l’émancipation.
Paris. Marcelle Alix tient bon. Voilà quinze ans que la galerie présente à Belleville, dans le 20e arrondissement – loin de l’atmosphère luxueuse du quartier Matignon – les œuvres de ses artistes dans une démarche plus soucieuse de préserver leur authenticité que de promouvoir leur valeur marchande. Pour l’exposition qui marque cet anniversaire, les deux cofondatrices, Isabelle Alfonsi et Cécilia Becanovic, ont souhaité ouvrir le dialogue en invitant Florence Bonnefous (Air de Paris) à collaborer. Les trois consœurs ont eu de fréquentes occasions d’échanger : d’abord au sein du comité de sélection de la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) puis depuis trois ans dans celui d’Art Basel Paris, ainsi que lors des réunions du Comité professionnel des galeries, dont elles sont toutes trois membres. Ou encore dans le cadre du jury 2023 du Prix Utopi·e, qui s’adresse « aux artistes LGBTQ+ dont les pratiques s’engagent à remettre en question le modèle conventionnel […] sous un prisme militant ».
L’engagement féministe de la galerie est également manifeste dans cet accrochage placé sous le signe d’une contestation silencieuse collective, voire communautaire : ainsi de l’installation Microphone Piece de Pauline Boudry/Renate Lorenz, duo d’artistes connu pour le militantisme queer qui inspire leur travail, placé en début de parcours. Ainsi également des pièces empreintes de plus de fragilité telles que les photomontages de Jean-Charles de Quillacq recadrant des portraits de femmes dans des revues de pêche, ou les sculptures austères, comme déjà tombées en désuétude, d’Ethan Assouline (Réalité, 2025), composées d’objets ordinaires marqués par l’usure du temps, expression d’un désenchantement de la modernité.
De cette sélection qui parle aussi d’amour – c’est son versant lyrique – et plus explicitement de sexualité, ce que résume en trois lettres tracées à l’aérographe sur une feuille de papier une des œuvres d’Anne-Lise Coste (Sex, 2024), il ressort une esthétique du peu, d’un art fait avec les moyens du bord, comme les petits théâtres de Sarah Tritz confectionnés à partir de carton, de tissu et de pâte à sel, ou cette sculpture minimale de Georges Juliette Ayrault et Louis Chaumier (Sans titre, 2024) assemblant aiguilles à tricoter, déodorants roll-on usagés et petite quincaillerie électrique, ou encore ce « poil pubien » scotché de manière un peu potache par Pierre Creton.
On descend ensuite au sous-sol, tendu de velours noir, guidé par la bande-son crépusculaire (The Host Of Seraphim, Dead Can Dance) de la vidéo de Brice Dellsperger, un opus issu de sa série des « Body Double » (2011), adaptation du sulfureux Hollywood Babylon (1959) du cinéaste Kenneth Anger. Outre Dellsperger, l’exposition emprunte à la programmation d’Air de Paris la présence de Dorothy Iannone, figure féministe de l’anticonformisme, dont plusieurs dessins rythment l’accrochage. Au-delà de « l’humeur frondeuse » qui émane de l’ensemble, « cette conversation à trois vient aussi souligner notre croyance en une intelligence collective », assure Isabelle Alfonsi.
Les prix s’échelonnent de 950 à 36 000 euros. Dans cette période économique difficile, alors que le soutien des institutions aux budgets écornés se fait plus rare, la galerie sait pouvoir compter sur « des collectionneurs fidèles ». Ces derniers verront sans doute cette exposition pour ce qu’elle aspire à être, selon Cecilia Becanovic : « Une manière de se ressourcer et d’éprouver des connexions de cœur en plein travail. »
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Un art pauvre explicitement militant
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 1er mars, Galerie Marcelle Alix, 4, rue Jouye-Rouve, 75020 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°649 du 14 février 2025, avec le titre suivant : Un art pauvre explicitement militant