Une aquarelle de Matisse, La danse, a créé la surprise en doublant presque son estimation. Mais le marché du tableau moderne, encore très fragile, ne pardonne pas la qualité médiocre, les estimations trop ambitieuses, ou des passages trop récents en salle des ventes.
PARIS - La danse, par Henri Matisse, une aquarelle gouachée exécutée en 1909 ou 1910, sans doute en préparation du grand tableau sur le même thème pour Sergueï Chtchoukine, et donc une pièce d’une très grande importance historique, a largement dépassé son estimation de 5 à 6 millions de francs, le 30 novembre, chez Mes Millon et Robert, lorsqu’elle a été vendue 9 315 000 francs à un collectionneur américain. L’aquarelle est ainsi devenue l’œuvre moderne la plus chère de l’année 1995 en France.
Trop personnelles
Il n’y a guère eu d’enchères importantes dans le reste de la vacation, dont seule la moitié des lots, de qualité très inégale, a été vendue. Tête de femme, un Renoir tardif, a été adjugé 1 250 000 francs. Mais aucune des trois statues en bronze de Maillol qui figuraient dans la vente – l’Été, 1911, Monument à Debussy, et la Nymphe, 1930 – n’a trouvé preneur, tandis que Salambô III, d’Atlan, adjugé 365 000 francs il y a seulement dix-huit mois à Versailles, est parti pour moins de la moitié à 141 000 francs.
La dispersion de la collection des tableaux de l’industriel Henry-Jean Laroche, grand ami de Vuillard, chez Me Jacques Tajan le 13 décembre, n’a recueilli que 5,3 millions de francs, contre une estimation d’environ 12 millions. Aucune des toiles importantes de Vuillard, des scènes d’intérieur exceptionnelles de qualité, mais jugées sans doute trop personnelles et intimistes par d’éventuels acheteurs, n’a trouvé acquéreur. Des 63 tableaux et sculptures qui complétaient la vente, seuls 32 ont été vendus, dont Les glaçons sur la Seine à Port Villez, 1893, de Claude Monet, adjugé 4,8 millions de francs, un prix étonnamment bas pour ce tableau de la série des débâcles, très peu connu et jamais passé en vente.
Lumineux et très japonisant
Le 4 décembre, Me Guy Loudmer a vendu 42 des 74 tableaux et sculptures modernes qu’il présentait, pour un total de 9 144 000 francs. Adjugé 1 700 000 francs – son estimation – Portrait de femme, peint le 15 avril 1944 par Pablo Picasso, qui essayait à l’époque de capter "des impressions instantanées", était le lot le plus cher de la vacation. Le médaillon, 1944, de Léger a donné toute la mesure de l’effondrement du marché : adjugé 615 000 francs, il avait été vendu 2,8 millions de francs par Me Loudmer, le 16 juin 1990. Et une huile de Jean Lurçat, L’attente, 1920, adjugée 145 000 francs par Mes Morelle et Marchandet en avril 1992, est partie, le 4 décembre chez Me Loudmer, à 85 000 francs.
Me Jean-Louis Picard, le 24 novembre, a réalisé un produit total de 4 534 000 francs, soit plus de 87 % en valeur, lors de sa vente de tableaux et de sculptures des XIXe et XXe siècles. Aucune des œuvres n’était précédemment passée en vente, et la plupart provenaient de collections particulières. Le lumineux et très japonisant Les pins rouges, 1894, de Georges Lacombe, a été adjugé 431 000 francs, légèrement au-dessus de son estimation, et Triomphe de Paris, 1929, de Robert Delaunay, à 520 000 francs, nettement au-dessus de la sienne.
Le 7 décembre, Mes De Quay et Lombrail n’ont vendu que 35 de leurs 73 tableaux et sculptures modernes, parmi lesquels La mère Presle à Montfoucault, 1874, de Pissarro, adjugé 1 460 000 francs, et Le jeune homme et la mort, une aquarelle de Gustave Moreau, qui a trouvé preneur à 1 million de francs.
Les résultats de la vente de tableaux modernes de Me Marc-Arthur Kohn, le 12 décembre, étaient moins convaincants : 26 des 56 lots ont été vendus, dont le spectaculaire Van Dongen, Jeune fille au chapeau, à 2 006 000 francs, et le très charmant et à moitié esquissé La mère et l’enfant aux cerises, de Norbert Goeneutte, adjugé 180 000 francs, un peu moins que son précédent prix d’adjudication de 200 000 francs, chez Me Cornette de Saint-Cyr en 1988.
Nu rose, 1960, de Picasso, a pour sa part été racheté : vendu 3,1 millions de francs chez Mes Millon et Robert en mars 1994, sa remise sur le marché était décidément trop précipitée. Sur les 78 aimables toiles, dessins et esquisses du peintre Henry Bouvet (1859–1945) qui constituaient la seconde partie de la vente du 12 décembre, 61 ont trouvé preneur.
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Tableaux modernes : passable
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°21 du 1 janvier 1996, avec le titre suivant : Tableaux modernes : passable