Art impressionniste et moderne

Sotheby’s domine la saison parisienne

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 26 novembre 2013 - 824 mots

Au sein d’un marché dynamique, Sotheby’s se détache nettement à Paris, avec une vente ambitieuse mais un pari risqué sur Modigliani.

PARIS - Alors que les ventes d’art impressionniste et moderne de New York se sont closes sur des résultats contrastés, c’est au tour de Paris de proposer sa saison début décembre. Si la vente Krugier de Christie’s New York s’est soldée par un semi-échec, nul besoin de pointer du doigt un repli alarmant du marché. « Le marché est très dynamique, notamment l’impressionnisme, le surréalisme et les grands maîtres modernes “classiques” tels Picasso. Mais il ne suffit pas d’avoir des signatures prestigieuses », note Thomas Bompard, spécialiste chez Sotheby’s à Paris, soulignant en creux des estimations trop ambitieuses. Pierre Emmanuel Martin Vivier, son homologue chez Christie’s, concède que « pousser les prix, fruits d’une compétition féroce, ne marche pas ». Pour ce spécialiste, « le marché, arrivé à maturité, est très solide, avec un renouvellement des acheteurs, notamment du côté asiatique. La compétition est de plus en plus forte, mais c’est bon pour le commerce ! ».

La session parisienne de décembre est marquée par de belles provenances et par la prééminence de Sotheby’s. Avec une estimation de 20,2 à 28,9 millions d’euros* pour une vente très sélective de 68 lots, la maison américaine voit grand : plus grand que ses rivales, mais aussi plus grand que l’an passé. La star de la saison devrait être le Portrait de Roger Dutilleul de Modigliani. Le tableau, le plus important jamais proposé par Sotheby’s Paris dans la catégorie art moderne, est estimé de 7 à 10 millions d’euros. « La personnalité de Roger Dutilleul, l’un des plus grands collectionneurs français du XXe, prend une résonnance particulière et une dimension supplémentaire à Paris », explique Thomas Bompard. Le portrait tardif de Modigliani, figure emblématique de l’École de Paris, ne manque pas d’atouts. Mais Sotheby’s fait toutefois un choix risqué : présentée en  2004 par Christie’s New York, l’œuvre n’avait pas trouvé preneur.

Aussi, si l’œuvre acquise directement par Roger Dutilleul, puis transmise à ses descendants a assurément une belle provenance, on ne peut en dire autant de son parcours ambitieux sur le marché. La vente recèle par ailleurs de belles pièces : ainsi de Bunt im Dreieck (1917) de Kandinsky (est. 1,2-1,8 millions d’euros), « une œuvre vibrante et lyrique de la période du Bauhaus, marquée par une géométrisation des formes, et dont la présence est inhabituelle à Paris », commente Thomas Bompard. Figurent encore une toile de Tamara de Lempicka, représentant deux nus en perspective (est. 1,3 à 1,8 million d’euros) et de Picasso, l’huile sur carton Buste d’homme (800 000 à 1,2 million d’euros) ou le dessin Le Baiser (250 000 à 350 000 euros).

Artcurial et Christie’s en retrait
Artcurial frappe fort cette année avec 55 lots, estimés entre 12 et 17 millions d’euros. L’Hôtel Dassault a maison met à l’honneur l’impressionnisme avec Le Pont de l’Europe de Caillebotte en clou de la vente (est. 3 à 4 millions d’euros). Ce paysage urbain est une étude pour une version conservée au Musée du Petit Palais de Genève. Une autre composition du tableau a, quant à elle, été vendue 4,4 millions d’euros frais compris par Christie’s New York en 2002. Outre la réduction du Baiser de Rodin (est. 300 000 à 400 000 euros), tous les regards promettent de se tourner vers les huit œuvres issues de la collection Dina Vierny, proposée en collaboration avec Sotheby’s. La complicité entre Maillol et sa muse est au centre de cet ensemble où se détachent La rivière, sculpture monumentale d’un corps de femme en équilibre sur le dos (est. 2 à 3 millions d’euros) ou L’Harmonie, œuvre ultime du maître. (est. 400 000 à 600 000 euros). Chez Christie’s, on attend d’une vente de 104 lots, moins ambitieuse que celle de ses consœurs, un total de 7,8 à 11,6 millions d’euros, une estimation assez semblable à celle de ses vacations passées. « La place parisienne a seulement 10 ans pour Christie’s : elle reste en devenir », rappelle Pierre-Emmanuel Martin Vivier.

Picasso est la vedette de la vacation avec une dizaine d’œuvres dont le fusain Femme debout (est. 450 000 à 650 000 euros*) et Verre et Pichet (est. 700 000 à 1 million d’euros*) issus de la collection de Georges et Suzanne Ramié. La nature morte, proposée pour la première fois en vente publique, avait été exposée au Salon d’automne en 1944. On remarque également un Buste de Tahitienne, bas-relief polychrome de Paul Gauguin (est. 150 000 à 300 000 euros) ou Le peintre au chevalet à Saint-Paul, gouache tardive de Marc Chagall (est. 500 000 à 700 000 euros) acquise chez Christie’s New York en 2008.

* Toutes estimations annoncées hors frais

ART IMPRESSIONNISTE ET MODERNE, le 2 décembre à 20h,

chez Artcurial, 7 Rond-Point des Champs Élysées, 75008 Paris, www.artcurial.com

Expert : Bruno Jaubert
Estimation : 12-17 millions d’€ (hors frais)
Nombre de lots : 55

ART IMPRESSIONNISTE ET MODERNE, le 3 décembre à 16h,

chez Christie’s, 9 avenue Matignon, 75008 Paris, www.christies.com

Expert : Pierre-Emmanuel Martin Vivier
Estimation : 7,8-11,6 millions d’€ (hors frais)
Nombre de lots : 104

ART IMPRESSIONNISTE ET MODERNE, le 4 décembre à 18h30,

chez Sotheby’s, 76 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, www.sothebys.com

Expert : Thomas Bompard
Estimation : 20,2-28,9 millions d’€ (hors frais)
Nombre de lots : 68

Légende photo

Amedeo Modigliani, Roger Dutilleul, 1919, huile sur toile, estimation : 7 000 000 - 10 000 000 euros, vente du 4 décembre, Sotheby's, Paris. © Sotheby's/ArtDigital Studio.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Sotheby’s domine la saison parisienne

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