Analyse

Querelles de clocher

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 11 juin 2004 - 502 mots

Les professionnels du marché ne savent pas taire leurs différends pour défendre leur cause.

Quand les professionnels du marché de l’art comprendront-ils que l’union fait la force ? À la conférence de presse de la Biennale des antiquaires le 25 mai, l’heure était plutôt aux piques à fleurets mouchetés qu’à une défense de leur cause. Les antiquaires ont d’ailleurs beau jeu de regretter que les objets phares de la Biennale ne soient pas assez valorisés. Encore faut-il que ces objets soient vraiment « phares » pour faire délier les langues, ce qui, au vu des premières photos, n’est pas si évident. Quelques marchands taisent leurs merveilles, cultivant le sens de l’événementiel. D’autres jouissent d’un stock suffisamment fourni pour ne pas avoir à trop s’inquiéter. Mais pour beaucoup d’exposants, la Biennale promet d’être difficile. La reprise tant annoncée n’est pas encore d’actualité.
Si les antiquaires sont habitués depuis quelques années à un régime difficile, les maisons de ventes publiques semblaient jusque-là miraculeusement épargnées. Malgré l’augmentation du nombre de ventes cataloguées en France, ces dernières sont plutôt clairsemées en juin, mois traditionnellement actif. À quelques exceptions près, l’offre en mobilier ancien est maigre. Seuls les tableaux anciens semblent tirer leur épingle du jeu. Même une spécialité hautement parisienne comme les arts décoratifs du XXe siècle a la vie dure. Les experts conviennent que les pièces tombent souvent à la dernière minute, comme ce fut le cas avec la succession Pierre Sommer, annoncée tardivement vers la mi-mai par Piasa. Près de 80 % de la vente de tableaux anciens du 25 juin chez Piasa n’ont été récoltés que vers la fin février, le début du mois de mars. D’ailleurs, comme le souligne le rapport publié par le Conseil des ventes volontaires, le secteur le plus performant en 2003 n’est pas celui des œuvres d’art, mais des véhicules. La raréfaction est chaque jour plus inquiétante. De quoi s’interroger sérieusement sur la face du marché de l’art dans les années futures.

Bonnes successions
Pourtant, les commissaires-priseurs français ne manquent pas de ressources. Malgré ses faiblesses, les Temps Forts de Drouot ont fait montre de leurs talents pour dénicher de bonnes successions grâce aux réseaux de notaires. Mais, après la politique d’ouverture de l’an dernier, l’heure est au repli et aux combats rétrogrades entre lieux de ventes. Pendant qu’antiquaires et commissaires-priseurs s’enferrent dans leurs chicanes habituelles, Christie’s et Sotheby’s poursuivent avec succès leur percée hexagonale. En témoignent les bons résultats de la vente impressionniste et moderne chez Christie’s le 26 mai et ceux, surprenants, de la vente Pierre Lescure chez Sotheby’s le lendemain. Ces maisons prouvent chaque jour davantage leur capacité à mobiliser leurs réseaux internationaux pour garantir en France le succès de collections qui, comme celle de Pierre Lescure, pourraient y sembler déplacées. Un professionnalisme qui n’occulte pas leur manque de responsabilité, une fois ces collections sorties de la législation française. La condamnation le 19 mai de Christie’s pour négligence dans la description d’une paire de vases issues de Houghton Hall sera sans doute appelée à faire jurisprudence.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : Querelles de clocher

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