PARIS
Les profils allongés de jeunes femmes, des têtes sculptées dans le marbre ou le granit, invitent au recueillement dans les espaces de la Galerie Lelong & Co..
Paris. Ce sont les deux espaces de la galerie Lelong & Co. que Jaume Plensa occupe pour cette sixième exposition monographique sous cette même enseigne. Au 38, avenue Matignon, l’artiste espagnol (né à Barcelone en 1955) a disposé dans la première salle deux grandes sculptures évoquant deux portraits de jeunes femmes qui se font face. Si leur visage, recouvert de peinture blanche, est parfaitement lisse et d’une grande douceur, le dos de leur tête est resté brut. Jaume Plensa a en effet tenu à garder et à montrer la magnifique composition de ces blocs d’albâtre, faits de petits morceaux agglomérés. Il a sans doute également voulu rappeler que, derrière l’aspect parfaitement poli, satiné, apaisé de la face, il peut y avoir tempête et chaos sous un crâne. L’opposition entre la face et son arrière est ici renforcée par la lumière (surtout par temps de soleil) qui vient magnifiquement se poser sur les œuvres. Le contraste se retrouve dans la salle suivante où, dans une relative pénombre, six têtes noires en bronze sont alignées les unes derrière les autres.
On retrouve certaines de ses têtes, aux dimensions plus importantes, dans la grande salle de la galerie de la rue de Téhéran, là encore avec un principe d’opposition : cinq d’entre elles sont noires (en granit) tandis que les trois autres sont blanches (en marbre) comme les touches d’un clavier. « Il s’agit d’un hommage à mon père et à son piano que je voulais faire depuis des années, puisque je travaille beaucoup le granit noir des Landes et le marbre blanc du Vietnam », précise Plensa lorsqu’on lui demande le fondement de cette conversation entre les deux pierres.
Si d’une tête à l’autre la couleur, la matière, la texture peuvent changer, toutes ont en revanche le même profil et la même forme, allongée et tout en hauteur. « Cela me permet de prendre de la distance par rapport à la matérialité des choses et, avec cet allongement de la forme qui s’apparente à celle d’une flamme, d’une bougie, d’aller vers plus de spiritualité, d’élévation en créant une relation entre terre et ciel », indique l’artiste. Aller vers plus de recueillement aussi, accentué par la pénombre de la salle et par les yeux fermés de ces visages qui invitent le spectateur à regarder en lui-même pour y découvrir – ou y retrouver – son propre paysage mental. Le visage à la fois comme source d’introspection et miroir réfléchissant de l’âme. Le visage avec des traits parfaits pour un portrait plein et secret, à la différence de ceux ajourés et ouverts à tous les vents que l’artiste peut réaliser avec des lettres ou des mots.
Parallèlement à ces œuvres qui habitent silencieusement l’espace, Jaume Plensa présente des œuvres sur papier, au nombre de deux avenue Matignon et d’une bonne dizaine dans le grand salon de la rue de Téhéran. Eux aussi en noir et blanc, à l’encre de Chine sur papier japonais arakaji, ils sont, par la nature spontanée de leur réalisation à l’opposé de la lenteur de la sculpture, « un laboratoire pour faire avancer les idées », explique l’artiste qui pratique également la gravure, comme on peut le voir dans l’espace librairie au rez-de-chaussée. Mais la gravure à l’ancienne, c’est-à-dire la gravure au tampon, celle qui demande un temps d’exécution et un geste spécifiques, l’un et l’autre suspendus.
Les prix des dessins se situent entre 3 000 et 6 500 euros pour les plus petits, les plus grands dessins étant à 28 000 euros pièce ; les sculptures vont de 110 000 euros pour celles en bronze à 450 000 euros pour les plus grandes. Un prix important qui se justifie par le fait que Plensa est aujourd’hui très reconnu sur la scène internationale, présent dans d’importantes collections aussi bien publiques que privées, et qu’il est capable de réaliser des œuvres monumentales dans l’espace public. À l’exemple de la plus récente, Water’s Soul, une sculpture spectaculaire réalisée en résine et poudre de marbre blanc en 2020 dans le Newport de Jersey City, dans le New Jersey. Avec ses 22 m de hauteur évoquant une tête, elle ne passe pas inaperçue.
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Plensa la tête haute
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Plensa la tête haute