Le parcours passe en revue tous les grands cycles de travail de l’artiste de 1949 à 1994 à travers 55 œuvres et une vingtaine d’œuvres graphiques. Il débute en toute logique par les « Catrami » (en français les « Goudrons »), sa première série majeure commencée dès 1948 avec ce qui devient vite son premier matériau « signature ». Suivent des tableaux de la série des « Muffe » (Moisissures) et des « Sacchi » (sacs), réalisés en sac de jute (son image de marque), en réminiscence de son incarcération au Texas pendant la Seconde Guerre mondiale (il était médecin dans l’armée italienne). On découvre aussi certains « Legni » (Bois), réalisés en 1954, avec des morceaux de bois laminé, très fin, dont il redessine la surface et les contours avec la flamme de son chalumeau. Car dès 1953, Alberto Burri sera le premier artiste à travailler avec le feu. Une salle entière est d’ailleurs consacrée à ses combustions, aussi bien sur bois donc que sur papier, fer ou plastique – ses fameuses « Combustioni Plastiche » (Combustions plastiques) – avec d’ailleurs ici en point d’orgue le premier tableau dans lequel Burri introduit du plastique en 1952. Autant de matériaux de la vie quotidienne dont il fait ressortir, en pionnier, toute la puissance expressive et en même temps les qualités formelles. Burri sait tirer le meilleur profit aussi bien des matières elles-mêmes – rugueuse pour la toile de jute, lisse pour les plastiques – que de leurs couleurs (marrons) ou leurs transparences et de les conjuguer par un hasard contrôlé pour donner le plus de densité possible à ses compositions abstraites. Car en plus de la force des œuvres, l’ensemble souligne à quel point le matériau était pour Burri le sujet lui-même (les craquelures, les empâtements, les plis, les crevasses, les rapiècements…) et la métaphore d’un autre sujet (la blessure, le temps, la création par destruction, etc.). La sélection rappelle aussi qu’il fut un vrai précurseur, aussi bien de l’Arte povera que d’autres artistes à l’exemple d’un Rauschenberg qui lui rendra visite à Rome au début des années 1950.
Les prix, qui vont de 100 000 euros pour une toute petite peinture sur carton à environ 9 millions d’euros pour un magnifique plastique brûlé de 1962, semblent très élevés pour un artiste peu connu en France (et moins que Lucio Fontana par exemple). Mais il l’est sur la scène internationale et notamment aux États-Unis, où il est présenté dès 1953 au Guggenheim de New York (seul Italien de l’exposition « Younger European Painters ») qui lui a, en outre, consacré une exposition personnelle en 2015 à l’occasion du centenaire de sa naissance. Il faut également rappeler qu’il y a peu de pièces sur le marché (un petit plastique rouge du début des années 1960 s’est récemment vendu chez Christie’s à Londres pour 400 000 livres sans les frais) et d’ailleurs un certain nombre d’œuvres sont ici prêtées par des collectionneurs et ne sont pas à vendre. Enfin, Alberto Burri est indéniablement un artiste historique. Bernard Blistène, le directeur du Musée national d’art moderne, a signalé la veille du vernissage qu’il aimerait que le Centre Pompidou consacre une exposition à l’artiste.
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Pleins feux sur Alberto Burri
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°510 du 2 novembre 2018, avec le titre suivant : Pleins feux sur Alberto Burri