La constitution en mai dernier en Grande-Bretagne d’une société de ventes aux enchères à capitaux cent pour cent français est peut-être l’exemple à suivre pour les professionnels que rebuteraient les obstacles persistants en France à la liberté d’implantation et d’exercice de ces activités.
PARIS - Gilles Cuisy a de la suite dans les idées. Après avoir créé, développé puis revendu une société d’événementiel, il s’est investi dans le marché de l’art, avec l’idée de profiter de la réforme du dispositif français pour organiser des ventes aux enchères.
Cette réforme d’ouverture lui est vite apparue comme un trompe-l’œil, habillant le maintien du monopole des anciens commissaires-priseurs.
Tout d’abord, sauf à se relancer dans des études longues – peu envisageables à 45 ans –, il lui fallait trouver un marteau, puisqu’on sait qu’aucune société de ventes volontaires ne peut se constituer ni obtenir l’agrément du Conseil des ventes si elle ne compte pas parmi ses dirigeants associés ou collaborateurs une personne habilitée à diriger les ventes. Actuellement, de fait, seuls les anciens commissaires-priseurs remplissent d’office cette condition. Le processus d’habilitation de ceux qui n’appartiennent pas au sérail est si bien “balisé” qu’à ce jour, c’est-à-dire deux ans après l’entrée en vigueur du nouveau dispositif, sur plus de 400 marteaux opérant pour des SVV, seuls deux commissaires-priseurs renommés étrangers (dont un français), officiant de longue date chez Christie’s et Sotheby’s, ont été habilités par le Conseil des ventes.
Gilles Cuisy avait cru trouver un possible associé chez un commissaire-priseur de province. Hélas, pusillanimité ou crainte réelle de représailles professionnelles, l’alliance n’a pu se faire. Au passage, Gilles Cuisy avait appris, lors d’une entrevue au Conseil des ventes, une règle non écrite : même s’il était le principal associé de la SVV qu’il souhaitait créer, il lui était vivement conseillé, pour une “obtention rapide de son agrément”, que le marteau habilité soit le gérant ou le président de la SVV... Bref, il avait le droit de payer mais pas de diriger la SVV.
Au cours de ses investigations, soucieux d’un lieu de ventes parisien, il s’est aussi enquis auprès de Drouot-Patrimoine, dernier avatar de la compagnie parisienne des commissaires-priseurs, de la possibilité d’acquérir des parts de la SCI propriétaire des murs de Drouot-Richelieu. La réponse a été négative. Corrélativement, il lui a été précisé qu’il ne lui était pas interdit de louer des salles à Drouot, sous réserve cependant des disponibilités, c’est-à-dire après satisfaction de toutes les demandes des maîtres des lieux...
Ayant ainsi découvert que, bien que français, il n’était pas le bienvenu dans le nouveau paysage des ventes publiques à la française, il a décidé d’effectuer la même démarche en Angleterre. L’accueil a été tout autre. Chaudement encouragé par Invest UK, accueilli à bras ouverts par les organisations d’auctioneers britanniques, il a pu en très peu de temps constituer sa société : Barbizon Auction House Limited.
Son projet : mettre une “french touch” dans les ventes aux enchères britanniques. Il commencera avec du vin pour poursuivre avec des petits maîtres et du mobilier du XIXe siècle. Et il travaillera sur la base des normes déontologiques et contractuelles anglaises, beaucoup plus contraignantes qu’on ne le laisse entendre en France...
Le marché anglais étant un marché de réelle concurrence, ses clients français ou anglais en profiteront, avec des tarifs acheteurs et vendeurs inspirés du low cost. Pour les vendeurs, 10 % incluant les coûts de transport à Londres (et éventuellement de retour).Dommage toutefois de constater que c’est peut-être en Angleterre que se construit l’avenir du marché français.
Barbizon Auction House Limited, The Forge Cottage, 2 High Street, Midenhall, Suffolk IP 28 7 EJ, tél. 44 1 638 71 82 02. Fax 44 1 638 515569. Et en France aussi : 01 60 66 28 98 ou 06 08 06 37 50. www.barbizonauctionhouse.com.
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Ouverture du marché : un Français... à Londres
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Ouverture du marché : un Français... à Londres