Y aurait-il une théorie des climats applicable à l’art ? Il semble que ce soit le cas à la Biennale de Venise. Celle-ci est la dernière manifestation à avoir conservé le principe des pavillons nationaux, en ouvrant même cette année un vrai pavillon italien. Une posture qui peut sembler désuète dans un monde globalisé. Tellement globalisé qu’un commissaire italien vivant à Londres, Francesco Manacorda, s’occupe du programme de films du pavillon slovène dans lequel il a intégré un artiste français, Guillaume Leblon ! De son côté, Rafael Lozano-Hemmer, en charge du pavillon mexicain à Venise et présent avec une installation sur « Art Unlimited » à la Foire de Bâle, possède la double nationalité mexicaine et canadienne.
Prompts à se délocaliser, les artistes sous-traitent aussi parfois leurs œuvres. Ainsi les tapisseries au petit point de Caro Niederer sont produites en Chine tout comme les mille monochromes rouges de Raphaël Julliard présentés il y a deux ans à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC).
Si les créateurs brandissent rarement leurs passeports ou cartes de séjour, les institutions et le marché misent quant à eux sur le commando national. Les pays guettent, calculette à la main, le nombre d’artistes de leur cru à l’affiche de la Biennale ou de la Documenta à Cassel. Car une présence plus ou moins forte atteste la dynamique artistique d’un pays, le pouvoir de persuasion de ses galeries et, par ricochet, son poids économique. Pour aguicher les curateurs, les musées organisent, avec plus ou moins de bonheur, des panoramas nationaux, comme « Uncertain States of America » à la Serpentine Gallery (Londres, 2006), « Greater New York » à P.S.1 (New York, 2005) ou « USA Today » à la Royal Academy of Arts de Londres (2006), tous événements à la gloire de l’Amérique. « Airs de Paris » (Centre Pompidou, Paris, jusqu’au 15 août) et « Paris Calling » (à Londres, Oxford et Margate en 2006) célébrent quant à elles la scène hexagonale. Évidemment, le mécanisme est plus porteur quand l’exposition est organisée par un commissaire étranger, comme « Uncertain States of America », orchestrée par Hans Ulrich Obrist.
Néanmoins, un raisonnement strictement national frise parfois les généralités aussi absconses que restrictives. La France serait le ferment d’un art intellectuel, propre sur lui. Où se placent alors les histoires à tiroirs d’un Gilles Barbier ou le jeu sur la putréfaction d’un Michel Blazy ? La Suisse, terreau de l’art concret, ne devrait donc jurer que par le cercle et le carré. Certes un Philippe Decrauzat est un digne héritier de l’abstraction géométrique et du cinétisme. Mais qu’en est-il d’un agitateur comme Gianni Motti, lequel, démentant la fameuse diplomatie helvétique, s’est un jour substitué à un émissaire indonésien à l’ONU ?
Le commerce est encore plus friand de telles classifications. Les ventes « nationalistes » trahissent le manque de maturité d’un marché. Pendant longtemps les Italiens n’avaient de salut que dans les Italian Sales (ventes italiennes) de Londres. Jusqu’à peu, les créateurs chinois étaient aussi cantonnés dans les ventes d’art asiatique. Mais, la mode s’accélérant, il se sont très vite retrouvés en bonne place dans les grandes ventes du soir à New York. Une fois identifié par les curateurs, les directeurs de musées ou les collectionneurs, l’artiste peut alors se délester de son oriflamme nationale.
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Oriflamme nationale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : Oriflamme nationale