PARIS
L’avocat de la maison de ventes explique la décision de la cour relative à la contribution diffuseurs sur les arts premiers.
J.-C. Castelain : A moins de prouver qu’un objet d’art africain ou océanien a été réalisé par un artiste identifié, ce qui semble quasi impossible, peut-on affirmer que dorénavant ces objets ne sont plus assujettis à la « contribution diffuseur » ?
Olivier de Baecque : Effectivement les conditions fixées par l’arrêt pour que l’art premier soit soumis à la contribution marché de l’art sont difficiles à satisfaire. L’Urssaf et la maison des artistes avaient pour pratique de procéder à un assujettissement global et automatique du chiffre d’affaires des galeries ou de tous les lots d’une vente aux enchères.
Désormais, elles ont la charge de la preuve de trois conditions. La preuve doit d’abord être apportée individuellement, pour chaque objet. Ce qui est très contraignant en pratique. A titre d’illustration, pour la vente Vérité, il faudrait analyser, un par un, les 514 lots.
Ensuite, elles doivent établir une exécution de chaque objet par un auteur ou un groupe d’auteurs. Enfin, elles doivent démontrer son originalité au sens du droit d’auteur, c’est-à-dire l’emprunt de la personnalité du créateur. Or ces deux derniers critères sont très éloignés des créations des arts premiers : on en ignore souvent les créateurs et - sans nier leur beauté - on peut penser qu’ils se plient plus à un code visuel propre à leur origine ethnique, géographique ou religieuse, qu’ils ne révèlent une marque individuelle d’un artiste.
J.-C. C. : Qu’est-ce que les juges de 2022 ont pris en compte que les juges de 2015 avaient écarté ?
O.d.B. : La cour de cassation a annulé la décision de 2015 pour une raison procédurale, un « défaut de base légale » : en d’autres termes, la cour d’appel n’avait pas rigoureusement vérifié l’applicabilité du régime légal de la « contribution commerce d’art » aux lots de la vente Vérité.
En 2022, la cour répond, très précisément, aux points de droits soulevés pour contester l’assujettissement et motive rigoureusement sa décision. C’est d’ailleurs la précision de sa motivation qui rend cet arrêt important.
J.-C. C. : Voyez-vous d’autres catégories d’objets d’arts qui pourraient ne plus être assujetties à la suite de cet arrêt ?
O.d.B. : Par analogie, l’argumentation de la cour peut être déclinée à tous les objets de collections, sans auteur ou dont l’originalité est contestable, par ce qu’ils reprennent des thématiques esthétiques, sociologiquement codifiées. On pense évidemment aux arts et traditions populaires mais aussi, aux antiquités et à l’art asiatique. Cet arrêt établit donc une règle favorable à la compétitivité du marché de l’art français, dont les arts premiers constituent un fleuron.
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Olivier de Baecque : « un arrêt favorable au marché français »
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