Malgré des soucis matériels, une certaine baisse de la fréquentation et
la concurrence d’expositions privées, l’International Asian Art Fair, à New York, s’est soldée par de meilleurs résultats que ceux escomptés. Les marchands ont eu du mal
à disperser les pièces les plus chères, mais ont conquis
de nouveaux clients.
NEW YORK (de notre correspondante) - Organisée du 22 au 26 mars dernier, l’International Asian Art Fair a rencontré quelques difficultés cette année. Pour commencer, la foire a changé de lieu, délaissant provisoirement les locaux très prisés de l’Armory, sur Park Avenue, au profit d’une tente montée à Damrosch Park sur la Lincoln Center Plaza. Plusieurs exposants potentiels n’ont pas vu la tente d’un très bon œil et n’étaient pas certains, par ailleurs, que les grands collectionneurs – dont la majorité vit à côté de Park Avenue et de la 67e rue – traverseraient toute la ville pour rejoindre le West Side. Ces doutes ont entraîné la défection de Gisèle Croës, dont le stand est incontournable depuis la création de la foire en 1996. Elle a préféré louer un espace dans la galerie du marchand de tableaux Renato Danese, située à l’intérieur du Fuller Building, où elle a finalement réalisé les meilleurs résultats qu’elle ait jamais obtenus. Elle a ainsi rejoint le cercle restreint des plus grands marchands dans le domaine, tels les Londoniens Rossi & Rossi et Nick Grindley, qui exposent tous deux à la foire depuis plusieurs années, ainsi que Giuseppe Eskenazi et Oriental Arts UK, qui a, lui aussi, fui la manifestation pour organiser des expositions privées. Alors que l’International Asian Art Fair reste l’événement le plus prestigieux du monde dans sa catégorie, de nombreux observateurs estiment que la foire perd de son lustre, en raison de l’ombre portée par les somptueuses expositions privées, mais aussi parce qu’elle a dû accepter la participation de marchands de moindre envergure. Pour couronner le tout, l’inauguration a été malencontreusement gâchée par des défaillances électriques – la Chinese Porcelain Company et John Eskenazi ont été privés de lumière pendant la première heure d’ouverture, la plus importante. Les deux journées suivantes ont été marquées par le froid, les pluies torrentielles et les vents violents. Sous la tente, l’aménagement n’avait rien à envier à celui de l’Armory, même si l’espace était légèrement plus petit. De l’avis général, la foire a d’ailleurs été un succès, et de nombreux exposants ont rencontré de nouveaux acheteurs. Samina (Grande-Bretagne), marchand spécialisé dans les bijoux, a ainsi déclaré avoir vendu ses colliers, bagues et bracelets indiens anciens exclusivement à des clients venus pour la première fois. De même, Michael Goedhuis a expliqué qu’il avait vendu les deux tiers des peintures chinoises contemporaines qu’il proposait et ce, principalement, à de nouveaux acquéreurs.
L’équivalent de quelque 150 millions de dollars (170 millions d’euros) d’œuvres d’art était exposé. Selon la plupart des marchands, les pièces les plus chères ne sont pas parties facilement. C’était un peu comme “arracher une dent”, pour reprendre les termes d’un exposant. Cependant, une quantité non négligeable de musées a pu réaliser des acquisitions et lors de la soirée inaugurale, qui a accueilli plus d’un millier de personnes, plus de 100 conservateurs étaient présents. Parmi les marchands ayant réalisé des ventes importantes, citons le Londonien Sam Fogg, qui a vendu un manuscrit tibétain rare, le Bhadrakalpika Sutra, à un musée du Moyen-Orient, au prix de 78 000 dollars (88 000 euros). John Eskenazi a, quant à lui, dispersé plusieurs grandes sculptures provenant d’Inde et du Sud-Est asiatique à des collectionneurs privés, notamment une magnifique tête de déesse en schiste gris du IIIe siècle et un Ganesh en grès du Xe ou XIe siècle, chacun parti à “plus de 150 000 dollars”.
Les arts de l’Asie du Pacifique étaient à l’honneur dans un nouveau lieu d’exposition à l’Events Center, sur la 23e rue, espace de remplacement du 68th Regiment Armory, très apprécié des exposants puisque nombre d’entre eux souhaiteraient que la foire y soit à l’avenir organisée. Pour l’heure, la fréquentation accuse une légère baisse : 10 300 visiteurs pour les quatre jours d’exposition, contre un record de 10 500 personnes en 2001. Pour quasiment tous les participants, les ventes sont moins importantes que les années précédentes. Dans le domaine du textile, grande attraction de la foire, ce sont les pièces rustiques japonaises et les brocarts chinois anciens qui se sont le mieux vendus. La vaisselle japonaise a également obtenu de bons résultats, ainsi que le mobilier chinois des XVIIIe et XIXe siècles, et les sculptures de pierre indiennes. Les bijoux ethniques et les jades chinois ne se sont pas particulièrement distingués.
Dans l’ensemble, les foires se sont soldées par de meilleurs résultats que ceux escomptés – et il faut reconnaître que l’on s’attendait au pire – et le moral était plutôt en hausse. Les exposants se réjouissent qu’elles aient été maintenues et que la conjoncture internationale politique et économique, plutôt morose, n’ait pas découragé les gens d’acheter des œuvres d’art. Tout le monde loue la présence d’esprit et l’ingéniosité des organisateurs qui ont su maintenir la foire à flots en ces temps difficiles.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
À New York, une foire et ses avatars
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : À New York, une foire et ses avatars