PARIS
Semiose présente la « Section africaine », soit des pièces issues des collaborations du collectif avec des artistes et artisans africains.
Paris. Intitulée Youki, laisse la dame ! Tu vois bien qu’elle travaille, l’œuvre est placée au beau milieu de cette exposition de Présence Panchounette, ce collectif d’artistes bordelais actif de 1968 à 1990. Elle se compose d’un santon de Provence qui rencontre une sculpture africaine sans valeur, dite d’« aéroport ». Dans un raccourci inattendu, surréaliste et saisissant, elle fait un clin d’œil à Bonjour Monsieur Courbet de Courbet et à la chanson « Le Youki » de Richard Gotainer ! Datée de 1985, l’œuvre synthétise la démarche de Présence Panchounette, axée sur l’appropriation, la juxtaposition, l’interaction, les décalages de points de vue et les glissements de sens, particulièrement à cette époque, de 1980 à 1990. Le collectif, composé de cinq à sept artistes (le nombre n’a jamais été précis) qui, dès 1974, crée la « section gabonaise Présence Panchounette », voyage alors fréquemment en Afrique de l’Ouest, « dans un esprit de migration créatrice », précise l’historien de l’art (et directeur de la plateforme Zamân Books & Curating) Morad Montazami dans le communiqué de presse, ce qui explique le titre « Section africaine » de l’exposition (la cinquième depuis 2011 chez Semiose). Lors de leurs déplacements, les Panchounette achètent des objets, rencontrent et sollicitent des artisans, des portraitistes de rue, des artistes, peintres et sculpteurs. Quatre d’entre eux figureront d’ailleurs dans l’exposition des « Magiciens de la terre » en 1989 (Centre Pompidou, Grande Halle de la Villette). À l’exemple du Ghanéen Kane Kwei, auteur du cercueil en bois entrouvert pour laisser apparaître différentes figures (plusieurs « colons », fétiches et statuettes), et pièce maîtresse de l’œuvre La Villa des ancêtres, présentée dès l’entrée de la galerie. Tout aussi splendide est Neo Pevsner ou Retour à l’envoyeur (1985), un masque en bois exotique et ferraille commandé par Présence Panchounette à un sculpteur traditionnel de Conakry en Guinée. Le collectif lui avait envoyé une image du célèbre Masque réalisé en 1923 par Antoine Pevsner (collection du Musée national d’art moderne), qui s’était lui-même inspiré des masques Lulua du Congo, d’où le titre précité.
S’ils savent s’amuser avec les formes, les matières, les couleurs, les références, les Présence Panchounette aiment aussi jouer avec les mots. À l’exemple de Sénoufaux, composé d’une statuette qui porte trois presse-citron sur sa tête, dans un empilement proche d’un Bertrand Lavier, artiste de la galerie Éric Fabre tout comme eux.
Mais derrière cet humour à la fois potache et grinçant, il y a dans les œuvres de Présence Panchounette un côté poil à gratter post-punk qui pimentait une critique postcoloniale virulente, aujourd’hui dans l’air du temps mais à l’époque visionnaire. Une critique qui ne ménageait pas non plus le milieu de l’art contemporain et certaines de ses attitudes, comme avec cette Magicienne de l’eau, une statuette vaudou en bois peinte (par Agbagli Kossi) et installée au milieu de vingt-cinq cuvettes bleues en plastique. À lire peut-être comme une question : quand l’art nous bassine ?
De 14 000 à 120 000 euros, la gamme des prix – encore abordables – est large, liée à la taille et à l’importance symbolique des œuvres, aujourd’hui en indivision entre les membres du groupe, dont s’occupe Benoît Porcher, le fondateur de la galerie Semiose.
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L’esprit de Présence Panchounette
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°579 du 10 décembre 2021, avec le titre suivant : L’esprit de Présence Panchounette