Les catalogues de tableaux anciens – moins fournis mais de plus en plus sélectifs – témoignent de la difficulté d’alimenter convenablement les ventes de prestige avec des œuvres rares et de qualité. Ils rendent compte de la nécessité de viser le haut de gamme en un temps où tout ce qui n’est pas exceptionnel est systématiquement ravalé. Passage en revue des prochaines ventes parisiennes dans cette spécialité.
PARIS - Plusieurs ventes réunissant des tableaux anciens se préparent fin juin à Paris. Dans un contexte économique toujours médiocre, mais où les transactions restent néanmoins à un bon niveau quand la marchandise est de qualité, les maisons de ventes jouent la carte d’une sélectivité accrue.
Le 25 juin, Sotheby’s donnera le coup d’envoi. Pour cette deuxième vente parisienne, un catalogue peu épais de cent lots réunit trois siècles de peinture (du XVIIe au XIXe siècle), “principalement de l’école française”, comme indiqué en sous-titre, et associe quelques dessins à une sélection d’huiles. “Notre stratégie est claire, lance Nicolas Joly, responsable du département parisien des tableaux anciens chez l’auctioneer. Nos ventes sont de goût français pour les collectionneurs français et les amateurs d’art français. Nous essayons de proposer des choses inédites de bonne provenance, avec des estimations justes, non point gourmandes.”
Pour répondre au mieux à “ses objectifs de vente”, l’expert avoue avoir dû “écrémer”, mais se dit rassuré par la bonne tenue des vacations de tableaux anciens de Londres et d’Amsterdam, ainsi que par la récente vente Lagerfeld d’Art déco à Paris, qui a démontré la présence d’acheteurs américains. L’œuvre phare de la vente Sotheby’s, intitulée La Danse d’enfants au joueur de pochette, une huile sur toile du milieu du XVIIe siècle de 95 x 120 cm, estimée 300 000-400 000 euros, appartient à la famille du comte de Seyssel depuis 1922. Elle est bien connue des institutions. Exposée lors de la rétrospective “Les Frères Le Nain” au Grand Palais à Paris, en 1979, Jean-Pierre Cuzin en avait rapidement changé l’attribution pour la mettre en parallèle avec un certain nombre de tableaux regroupés sous l’appellation du “Maître des jeux”, un artiste non identifié proche des Le Nain et représentant généralement des scènes de jeux. “Il sera intéressant de voir la réaction des musées”, songe l’expert, qui sait déjà que “ce tableau poétique et délicat intéresse plusieurs gros collectionneurs américains.” Une rare Corbeille de pêches, raisins et prunes sur un entablement par Paul Dorival – un artiste originaire de Grenoble –, estimée 120 000-180 000 euros, devrait facilement trouver preneur. La toile est restée dans son jus et a été conservée dans une collection particulière depuis plus de deux siècles.
La vente recèle une double découverte intéressante du début du XVIIIe siècle par Louis de Boullogne : une grande peinture mythologique de 152 x 172 cm (dont les dessins préparatoires sont conservés au Louvre), signée et datée de 1723, estimée 60 000-80 000 euros, et un paysage animé signé et daté 1724 (le seul qu’on lui connaisse). Les derniers travaux répertoriés du peintre datant de 1715, année à partir de laquelle l’artiste est occupé à dessiner des médailles à la gloire de Louis XV, “il s’agit probablement de commandes importantes dont on n’a pas trace”, rapporte Nicolas Joly.
“Vendre en France, ce qui se trouve en France”
Chez Christie’s, la politique maison est de “vendre en France, ce qui se trouve en France”, indique Cécile Bernard, du département des tableaux anciens. Aussi, le catalogue de la vente du 26 juin propose en couverture un beau caprice architectural réalisé par Panini (estimé 150 000 euros) et trouvé dans l’Hexagone. Il n’est pas signé, mais “son pendant (perdu) devait l’être”, précise la spécialiste. Le tableau italien partagera l’affiche avec une paire de tondi par Boucher, Alphée et Aréthuse et Pan et Syrinx, estimée 350 000 à 500 000 euros. Ces deux peintures ne sont pas apparues sur le marché depuis 1935. Elles n’ont pas l’aspect porcelainé propre à l’artiste, mais ont été traitées sur le mode de l’esquisse. Cette peinture un peu polissonne de femmes nues poursuivies par des faunes correspondra-t-elle aux goût du public ? “Ce sont des choses que l’on voit assez peu sur le marché. L’estimation est prudente”, répond l’expert.
Chez Tajan, le 25 juin, les maîtres hollandais tiennent la vedette dans une petite sélection de quatre vingt-sept lots. Figure ainsi une belle composition du XVIIe siècle sur panneau, intitulée Les Cinq Sens, fruit d’une collaboration entre Jan van Kessel et Adrian van Stalbemt, toujours restée chez les descendants du commanditaire et estimée 450 000-550 000 euros. Une nature morte de 1805 sur panneau, signée Cornélis van Spaendonck, qui n’est pas apparue en vente publique depuis 1982, devrait aussi séduire les collectionneurs (estimée 300 000-400 000 euros).
À Drouot, le 27 juin, la SVV Piasa offrira de son côté un beau défilé de natures mortes qui pourrait retracer leur histoire, d’une corbeille de fruits très réaliste par Van Hulsdonck – l’un des précurseurs du genre en Flandre (estimée 50 000 euros) – à un trompe-l’œil français du XVIIIe siècle de Valette-Penot qui tend vers l’illusion la plus totale (estimé 20 000 euros).
Nature mortes, trompe-l’œil et fêtes galantes
La vente comprend également deux œuvres de François Garnier, l’un des premiers Français excellant dans ce genre pictural (estimées 70 000 et 120 000-150 000 euros), ou encore une interprétation plus baroque de 1664 aux globes terrestres et célestes, instruments de musique et pièces d’orfèvrerie par Evert Collier (estimée 50 000 euros). Un Ecce Homo par Carlo Dolci (estimé 60 000 euros) témoigne encore d’une peinture florentine très précieuse, “un tableau où le sentiment religieux est poussé à l’extrême mais, en même temps, emprunt de douceur”, souligne l’expert Chantal Mauduit. Dans la même vente, L’Amour et le Badinage, un tableau sur l’art de ces fêtes galantes dans un genre introduit par Watteau et poursuivi ici par Pater – avec une nuance de coloris argenté raffiné propre à l’artiste –, est proposé autour de 130 000 euros.
Toujours à Douot, la SVV Millon & associés offre le 27 juin aux amateurs Le Paiement de la dîme, une peinture de Bruegel le Jeune (est. 500 000 à 700 000 euros). Le sujet est connu chez l’artiste, mais le format est grand (76 x 124 cm). L’œuvre, signée et datée 1626, est en bon état nonobstant une petite restauration inopportune effectuée il y a une vingtaine d’années par les propriétaires.
- TABLEAUX ET DESSINS ANCIENS ET DU XIXe SIECLE, vente le 25 juin à 14 h 30, Sotheby’s, 76 rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com. Exposition : les 20, 23 et 24 juin 10h-18h et le 21 juin 12h-18h. - TABLEAUX ANCIENS, vente le 25 juin à 19 heures, SVV Tajan, Espace Tajan, 37 rue des Mathurins, 75008 Paris, tél. 01 53 30 30 30, www.tajan.com. Exposition : du 13 au 24 juin 9h-12h30 et 14h-18h, le 21 juin 11h-18h, le 25 juin 9h-15h. - TABLEAUX ANCIENS ET DU XIXe SIECLE, vente le 26 juin à 18 heures, Christie’s, 9 avenue Matignon, 75008 Paris, tél. 01 40 76 85 88, www.christies.com. Exposition : les 20, 21, 23 et 25 juin, 10h-18h et le 24 juin, 10h-21h. - TABLEAUX ANCIENS, vente le 27 juin à 15 heures, SVV Piasa, Drouot-Richelieu, tél. 01 53 34 10 10. Exposition : le 26 juin, 11h-18h, le 27 juin, 11h-12h. - TABLEAUX ANCIENS, MOBILIER ET OBJET D’ART, vente le 27 juin à 14 heures, SVV Millon & associés, Drouot-Richelieu, tél. 01 48 00 99 44. Exposition : le 26 juin, 11h-18h, le 27 juin, 11h-12h.
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Les ventes d’art ancien misent sur la qualité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°173 du 13 juin 2003, avec le titre suivant : Les ventes d’art ancien misent sur la qualité