Claude Blaizot, président du Syndicat national des antiquaires
De quoi s’agit-il ? L’accord proposé par Sotheby’s implique que le marchand reste possesseur de l’objet qu’il présentera en photographie sur le site. Si cet objet est vendu, l’auctioneer perçoit le règlement, prélève une commission de 10 % sur le prix de vente, renvoie au marchand le prix de l’enchère et livre la marchandise à ses frais au client. Le Syndicat national des antiquaires comme la British Antique Dealers Association s’accordent à dénoncer cette mainmise d’un grand groupe visant à contrôler l’ensemble du marché de l’art. Il y a deux façons de vendre sur le marché, en vente publique et dans les galeries ; il ne faut pas amalgamer ces deux modes au risque de brouiller les images. La clientèle pourrait être amenée à s’interroger sur l’intérêt de vendre à un professionnel s’il lui est offert la possibilité de traiter directement sur l’Internet grâce au site de Sotheby’s. Celle initiative vise en fait à résoudre un problème actuel de l’auctioneer, né des pertes que la maison réalise quand elle vend aux enchères des objets de moins de 50 000 francs. Par ailleurs, si des problèmes naissent d’une mauvaise description ou authentification des objets vendus, le discrédit retombera sur toute la profession, sur tout le marché de l’art. Se posent également des problèmes juridiques. De quelle législation relèveront les ventes d’objets effectuées par des marchands français, par exemple, sur un site Internet créé à New York ?
Emmanuel Moatti, antiquaire
J’ai signé cet accord proposé par l’auctioneer, mais je comprend que certains de mes confrères aient quelques réticences. Ce système de commerce sur l’Internet est amené à énormément se développer dans notre profession, et je trouve dommage de ne pas en profiter. L’idée est excellente. On aurait peut-être pu le faire avec un groupe de marchands, mais cela n’aurait pas eu le même impact. Le site de Sotheby’s permettra d’atteindre de nouveaux marchés et de contacter des clients en Australie ou aux États-Unis, par exemple. C’est un réseau plus universel que celui que constituerait un marchand isolé. Sotheby’s sera sans doute le mieux placé dans cette compétition, et le site devrait en outre me permettre de mieux faire connaître mon activité puisque mon nom sera mentionné sur l’encart publicitaire. Je vois également d’un bon œil le fait que ce soient les marchands qui s’engagent, qui soient responsables vis-à-vis du client. Je pense que la réaction du Syndicat national des antiquaires est un peu excessive. Elle s’explique par la forte concurrence qui règne aujourd’hui entre les maisons de vente et les marchands. Je vois ce site comme un outil de travail qui va se développer et dont nous allons pouvoir bénéficier.
Marc Blondeau, expert
J’ai l’impression que Sotheby’s cherche à attirer de grands noms pour ensuite s’attacher des marchands moins réputés. S’agissant du procédé de vente sur l’Internet, je pense qu’une œuvre d’art doit se voir et se toucher avant d’être achetée. Sotheby’s ne prend, en outre, aucune responsabilité quant à l’authenticité et la qualité des objets, et se contente de récupérer les fonds et de régler le vendeur. On ne peut pas expertiser des objets, juger de leur condition, sans les avoir vus. Certains antiquaires qui travaillent en liaison avec le monde de la décoration vont certainement être tentés de placer leurs objets sur l’Internet, ce qui leur permettra d’épurer le marché dans ces zones de prix. J’ai la certitude qu’on ne peut pas faire des affaires sérieuses sur l’Internet. Ou alors, c’est que l’expertise n’existe plus.
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Les réactions de la profession
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°78 du 5 mars 1999, avec le titre suivant : Les réactions de la profession