Sotheby’s dispersera le 18 juillet le contenu du château des galeristes Pierre et Marianne Nahon à Vence.
VENCE, PARIS - Si le signe de l’ascension d’un galeriste s’est longtemps mesuré à son passage de l’appartement au white cube, le mouvement tend à s’inverser. Beaucoup de professionnels lassés des pratiques habituelles retournent en chambre. Tel est aujourd’hui le cas de Pierre et Marianne Nahon qui, après trente ans d’activité, souhaitent tourner la page. Pour cela, ils vendront le 18 juillet le contenu de leur château-galerie de Notre-Dame des Fleurs à Vence (Alpes-Maritimes). Ils y avaient établi leurs quartiers en 1993, en pleine crise du marché. « Le principe de la galerie est dépassé pour moi. En 2003, nous avons eu 30 000 visiteurs pour notre exposition d’été, soit autour de 500 personnes par jour. C’était épuisant et, à la fin, on s’est demandé à quoi cela avait servi. 30 000 visiteurs, ce n’est pas 30 000 clients », soupire Pierre Nahon. La galerie a fermé ses portes le 1er janvier 2004. Le couple a même confié il y a six mois la vente de sa demeure aux agences immobilières locales.
Estimations relevées
Subjugués par l’esprit de la house sale que Christie’s organisera en mai prochain pour l’antiquaire Axel Vervoordt, les Nahon avaient d’abord contacté la maison de ventes de François Pinault. La politique d’estimations basses de la société les a toutefois refroidis. Deuxième en lice, Artcurial avait taquiné la fibre culturelle et amicale. Finalement, Sotheby’s a décroché l’affaire en respectant les estimations des galeristes et en proposant de vendre également le château. Sa capacité à mobiliser un grand fichier international n’est pas étrangère au choix pragmatique des Nahon.
La house sale organisée in situ comportera 330 lots estimés entre 6,5 et 9 millions d’euros. Dans la section mobilier, on verra notamment un salon Ours polaire de Jean Royère (100 000-150 000 euros) et des tables d’Yves Klein (10 000 euros pièce). La vente sera aussi agrémentée de 35 lots d’art africain, comme ce masque de danse Fang (100 000-130 000 euros). Les papilles des collectionneurs seront surtout sollicitées par les quelque 220 œuvres d’art. « On a choisi des œuvres qui ont une portée internationale et une signification par rapport à notre travail. Les pièces nous appartiennent en propre ou ont été faites pour le lieu », précise Pierre Nahon. Dans l’éventail des sculptures monumentales, on repère une Plaque Femme (1963) en fer de César, proposée pour l’estimation coquette de 200 000-300 000 euros. La fontaine Turbo d’Arman vrombit pour 120 000-150 000 euros. Odalisque II (1989), étonnante sculpture en deux parties de Jean Tinguely lovée dans la chapelle du château, ne pourra s’offrir qu’autour de 150 000-250 000 euros. Soucieux de ne pas brader leur collection, les Nahon ont misé sur des estimations relevées, un brin prohibitives. On s’étonne d’ailleurs que les œuvres monumentales n’aient pas fait l’objet d’une vente groupée avec l’édifice. « Si on les incluait, cela doublerait le prix du château, ce qui serait trop cher », confie Pierre Nahon tout en restant elliptique sur la valeur de la demeure. Les estimations pour le reste des lots sont plus conformes aux attentes, qu’il s’agisse d’un Portrait d’Yvonne Printemps (1943) par Picabia (60 000-80 000 euros) ou de celui de Fabrice Hybert par Stéphane Pencréac’h (3 000-4 000 euros). Bien que la vente soit sciemment organisée dans l’après-midi pour toucher les amateurs américains, il n’est pas acquis que ces derniers déboursent quelques centaines de milliers d’euros pour les œuvres, même historiques, d’artistes français ! Ils pourraient se rabattre plus volontiers sur l’art américain représenté notamment par une sculpture en bronze à patine blanche de George Segal (150 000-200 000 euros) ou une pièce rarissime de Joseph Kosuth, Self-Described, Self-Defined (« Décrit par soi-même, défini par soi-même ») (1965), grand néon rouge de 2 mètres de long estimé de 75 000 à 100 000 euros.
Cette vente-fleuve clôt un chapitre mais ne signe pas l’arrêt d’activité des Nahon. Repliés sur leur magnifique espace parisien de 1 000 m2, ils focaliseront leur énergie dans deux directions. Dans un premier temps, ils organiseront des expositions très sélectives, au gré de leurs coups de cœur, en conviant 200 amateurs triés sur le volet. La coproduction d’œuvres avec une poignée de galeries françaises et étrangères sera l’autre fer de lance du couple. « Je cherche aujourd’hui la satisfaction et non le chiffre d’affaires ou la clientèle internationale. Je ne vais pas me battre pour être le premier », conclut Pierre Nahon.
Exposition du 14 au 17 juillet, vente le 18 juillet, château Notre-Dame des Fleurs, 06140 Vence. Rens. : Sotheby’s, tél. 01 53 05 53 05.
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Les Nahon referment un chapitre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°190 du 2 avril 2004, avec le titre suivant : Les Nahon referment un chapitre