Une vente d’arts premiers, chez Binoche et Giquello, comporte pour la première fois des objets Touareg.
PARIS - Le 1er mars à Drouot, les arts africains sont à l’honneur de la vacation organisée par la SVV Binoche et Giquello. Proposer de l’art Touareg est une première en vente publique. La collection, constituée de plus de cent lots d’armes, bijoux, harnachement chamelier, tenues et vêtements de nomades du désert, a été rassemblée à partir des années 1950 par Claude Brignone, un ancien militaire de carrière dont la famille d’origine sicilienne s’est installée en Tunisie au XVIIIe siècle. Fasciné par le Sahara et ses hommes bleus, le collectionneur a souvent partagé le quotidien des Touareg. L’ensemble est exceptionnel. Peu de musées possèdent de tels objets, quasi introuvables aujourd’hui. Lors de l’exposition « Touareg » organisée par le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (Belgique) en 1994, une majorité d’œuvres provenait de nombreuses collections privées.
Les objets des tribus nomades n’ayant jamais affronté l’épreuve du marché, ils sont proposés à des montants ne dépassant pas quelques milliers d’euros. Leur dispersion leur donnera une cote officielle. Clou de la collection, les boucliers Touareg en peau d’antilope oryx, appelés « ahrer » ou « arar », sont d’autant plus rares qu’ils ont cessé d’être fabriqués dans les années 1950. « Si les musées européens, parmi lesquels le Musée du quai Branly, conservent un petit nombre de boucliers Touareg, il est en revanche exceptionnel de voir circuler sur le marché des œuvres de ce type, dont l’ancienneté, l’état de conservation et la variété sont d’une rare qualité », souligne l’expert Emmanuelle Menuet. Le plus important est un rare exemplaire du Hoggar (sud de l’Algérie), orné d’éléments en cuir ajouré plaqués de laiton, collecté tôt, en 1946, et ayant probablement appartenu à un amenokal (chef de guerre Touareg). Il est estimé 5 000 euros.
« Vente saine »
L’Afrique subsaharienne se taille ici la part du lion avec une sélection d’œuvres de qualité provenant de collections privées, auréolées de belles provenances et estimées à des prix attractifs, soit la définition d’une « vente saine » selon l’expert Bernard Dulon. Elle inclut la collection parisienne Bordier réunissant des objets Afrique de l’Ouest dont les meilleurs morceaux sont un siège royal Baoulé (Côte d’Ivoire, XIXe-XXe s.), estimé 12 000 euros ; une puissante statue d’autel dite « bateba » de l’ethnie Lobi (Burkina Faso), estimée 30 000 euros, ainsi qu’un important couple de statuettes d’ancêtres Sénoufo (Côte d’Ivoire), estimé 15 000 euros.
La vente se poursuit avec un très beau et rare masque de la société Gye des Gouro-Bété (Côte d’Ivoire, XIXe s.), orné de scarifications et estimé 20 000 euros. La pièce phare reste une superbe figure de reliquaire Bwété des Kota-Mahongwé (Gabon, XIXe s.), couverte de lamelles et plaques de cuivre ou laiton. Estimée 100 000 à 150 000 euros, elle affiche un impressionnant pedigree : les anciennes collections Aristide Courtois, Charles Ratton, Edward G. Robinson et Arman. Seul objet océanien de la vente, une effigie funéraire rambaramb de l’archipel du Vanuatu (Mélanésie) provenant des collections Jacques Kerchache et Marcel Isy-Schwart, ne passera pas inaperçue. Estimée 25 000 euros, elle est composée d’une structure végétale mêlée de fibres et de toile d’araignée et surmontée d’un crâne humain affublé d’une mâchoire de phacochère. Entrant dans le cadre du commerce de restes humains, sa vente est cependant« tolérée dans la mesure où cette effigie constitue sans équivoque un bien culturel (1). Cette qualité doit être appréciée au regard de deux critères : le fait qu’elle ait été travaillée (par surmodelage) et le fait qu’elle soit partie d’un rite au sein de l’ethnie qui l’a produite », nous a précisé le Conseil des ventes volontaires.
(1) cf. « Recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires », paragraphes 1.5.4. p. 20.
le 1er mars, hôtel Drouot, 9, rue Drouot, 75009 Paris, SVV Binoche et Giquello ; exposition publique : le 28 février 11h-18h et le 1er mars 11h-12h, tél. 01 47 42 78 01, www.binocheetgiquello.com
Experts : Emmanuelle Menuet (art Touareg), Bernard Dulon (art africain), Jean-Pierre Lacoste (art des Indiens d’Amérique) Estimation : 750 000 à 1 million d’€ Nombre de lots : 244
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Les hommes bleus à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Figure de reliquaire Kota dite Bwété, ethnie Mohongwé, Gabon, XIXe siècle, 50 cm. Estimation 100 000-150 000 euros, vente du 1er mars 2013, SVV Binoche et Giquello, Paris. © Binoche & Giquello
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°385 du 15 février 2013, avec le titre suivant : Les hommes bleus à Paris