Les acheteurs privés furent les plus présents lors des ventes d’art allemand et autrichien organisées par Sotheby’s à Londres les 8 et 9 octobre. Des œuvres de Macke et de Jawlensky ont établi de nouveaux records. Si les résultats de la vente de la collection Beck ont été inégaux, ils ont atteint un total jamais obtenu dans cette catégorie. Ces ventes ont confirmé la place de leader occupée par Sotheby’s dans le domaine. Aussi Christie’s a-t-elle renoncé à organiser des ventes d’art allemand et autrichien et n’inclura aucune œuvre de cette catégorie dans sa future vente d’art moderne et impressionniste en février prochain.
LONDRES - Dans le domaine des ventes d’art allemand et autrichien de l’année, Sotheby’s a frappé un grand coup les 8 et 9 octobre en mettant en vente les 500 lots de l’immense collection Beck, ainsi que des pièces issues de divers amateurs. La célèbre maison de vente aux enchères a clôturé ces deux journées exténuantes avec un résultat de 20 millions de livres sterling (31,9 millions d’euros), dont 14 millions (22,3 millions d’euros) pour les héritiers Beck. Elle a établi des nouveaux records pour huit artistes de cette catégorie.
Si les prix obtenus pour la collection Beck ont été très inégaux et n’ont pas été à la hauteur des espérances, le total de la vente constitue un record jamais atteint pour ce type d’œuvres. C’est un événement positif malgré la crise économique qui sévit en Allemagne et la frilosité du marché de l’art aujourd’hui.
La collection Beck a été constituée par le père et le grand-père de la génération actuelle et les pièces sont de qualités diverses. S’y trouvent des œuvres importantes de maîtres allemands et autrichiens comme Macke, Kandinsky et Jawlensky, mais aussi celles de nombreux artistes locaux moins prestigieux tel Adolph Hölzel. La plupart des œuvres ont été achetées directement aux artistes ou à leur succession. Une bonne partie des dessins et peintures ont passé plusieurs décennies dans des caisses ou des tiroirs et étaient donc inconnus du grand public. Cette vente chez Sotheby’s a permis de dévoiler toute la collection, riche de plus de 500 lots. On pouvait craindre que l’état actuel du marché ne permette pas d’absorber une si grande quantité de pièces. Beaucoup d’experts pensaient aussi que les estimations étaient trop élevées. “Ce ne sont que des indications”, commentait un marchand.
La totalité de la vente s’est montée à 14,3 millions de livres sterling (22,9 millions d’euros), soit 91,54 % en valeur, mais seulement 66,42 % des lots ont trouvé preneur. Ceci démontre la disparité des pièces de la collection. Celle-ci a été divisée en cinq parties par Sotheby’s. La vente a connu ses plus grands succès lors de la première soirée, en recueillant 18,5 millions d’euros, réalisant deux nouveaux records mondiaux. L’œuvre de Macke, Deux femmes devant un marchand de chapeaux, a été adjugée par téléphone pour 4 406 650 euros à un collectionneur privé européen. Le précédent record pour une œuvre de cet artiste était de 4,11 millions d’euros, adjugée par Christie’s en octobre 2000. L’audacieux tableau de Jawlensky, Nu, a été vendu 2 426 650 euros, également à un enchérisseur par téléphone. Cette vente a été conduite en euros à la demande de la famille Beck, une première pour une vente aux enchères menée à Londres. Cependant, “ce n’est pas une déclaration politique”, a précisé, avec humour, le P.-DG de Sotheby’s, Robin Woodhead. Pour cette partie, vendue à 94,46 % en valeur et 82,86 % en lots, la maison de vente aux enchères semble avoir revu à la baisse les prix de réserves peu de temps avant la vacation. Les enchères ont souvent en effet démarré à la moitié des estimations, et plusieurs lots ont été adjugés bien en dessous des montants attendus.
À la clôture de la première soirée, la spécialiste Helena Newman a relevé “des offres prudentes mais saines” et a ajouté que la plupart des acquéreurs étaient des personnes privées, les marchands achetant pour des clients et non pour leur stock. Bernd Schultz, le propriétaire de la maison de vente allemande Villa Grisbach était optimiste : “La vente a été très inégale, mais il y avait des pièces maîtresses qui ont fait d’excellents prix.”
Les trois autres ventes ont été marquées par des vagues de lots invendus, entrecoupées d’œuvres importantes qui ont obtenu de très bons résultats. Deux dessins de l’artiste autrichien Alfred Kubin se sont envolés, notamment le lot de la couverture, Monstre de mer, qui a atteint le prix de 314 650 euros et est parti rejoindre la collection du Viennois Rudolph Loepold. Artemis Fine Art a acquis, pour le prix record de 397 150 euros, le rare et lugubre portfolio Die Hölle, de Max Beckmann, qui regroupe les dessins exécutés lors du retour de guerre de l’artiste en 1918-19.
Une sélection similaire a marqué la vente – conduite en livres sterling – des pièces appartenant à divers collectionneurs, avec 16 des 43 lots vendus (environ 37 %). Bernd Schultz de la Villa Grisbach a établi un nouveau record mondial en achetant une vue de Walchensee de Lovis Corinth pour 776 650 livres sterling (1,23 million d’euros), et un marchand allemand a acquis l’œuvre Triplets de Karl Hubbuch (artiste de la Nouvelle Objectivité allemande) pour la somme de 171 650 livres sterling (274 022 euros), un nouveau record mondial pour l’artiste...
Un enchérisseur privé allemand a acquis par téléphone un nombre important de toiles, emportant dans la soirée les deux meilleurs lots. Il a notamment acheté en dessous de son estimation l’œuvre de Kirchner Nus rouges pour 2 206 650 livres sterling (3 522 700 euros) et le tableau d’Heckel Enfants dans un paysage pour 831 650 livres sterling (1 327 653 euros).
Ces ventes ont été dominées par des collectionneurs privés, dont quelques Américains. Il n’est cependant pas impossible que la Neue Galerie, le nouveau musée d’art allemand et autrichien récemment ouvert à New York, ait acheté quelques pièces. La vente n’a cependant pas atteint les objectifs fixés à 7,4/10,6 millions de livres sterling (11,8/16,9 millions d’euros), en réalisant juste 6,44 millions de livres sterling (10,25 millions d’euros), soit 77,93 % en valeur.
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Les hauts et les bas de la collection Beck
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°157 du 25 octobre 2002, avec le titre suivant : Les hauts et les bas de la collection Beck