PARIS
Les galeries profitent des projecteurs de Paris Photo pour confirmer quelques tendances de la photo actuelle : plus de femmes photographes, un regard tourné vers l’Afrique et l’expérimentation technique.
Paris Photo est une vitrine de la création photographique internationale. Elle n’est évidemment pas la seule. Mais sa couverture, du XIXe à nos jours, donne une vision large de l’usage du médium et de ses évolutions.
Trois tendances marquent cette 23e édition. En premier lieu, la montée en puissance des femmes photographes dans la sélection des artistes soutenus par les galeries. En 2019, elles représentaient 28 % de l’ensemble des photographes, tous secteurs et expositions confondus. Cette année, les galeristes qui leur consacrent des focus sont plus nombreux que d’habitude. La galerie Gilles Peyroulet & Co (Paris), référencée pour la qualité exceptionnelle du tirage de ses pièces de l’entre-deux-guerres, rassemble Florence Henri, Dora Maar, Germaine Krull et d’autres talents de la période telle Madame d’Ora. Les solo shows consacrés à Ilit Azoulay (Braverman Gallery, Israël), Sandy Skoglund (Paci, Italie), Joana Choumali (Loft Art, Maroc) ou Elsa & Johanna (La Forest Divonne, Paris) montrent différentes écritures actuelles, tandis que la galerie Ceysson & Bénétière (Paris) pour sa première participation réunit Orlan, Tania Mouraud et Aurélie Pétrel.
Le parcours consacré aux femmes « Elles X Paris Photo », lancé en 2018 par le ministère de la Culture au sein de la foire, égrène d’un stand à un autre les choix de Nathalie Herschdorfer, directrice du Musée des beaux-arts du Locle (Suisse), tandis que le Centre national des arts plastiques (Cnap), invité à présenter sa collection, se concentre sur un corpus d’œuvres de sept artistes femmes traitant du corps et de l’identité tels ceux de Florence Chevalier, Hanna Darabi ou Fatma Mazmouz. En outre, le Cnap a prévu une enveloppe exceptionnelle de 50 000 euros pour l’achat d’œuvres d’auteures exposées à Paris Photo.
Une visibilité plus grande accordée aux photographes africains et du Moyen-Orient est la deuxième caractéristique de cette édition, portée notamment par des galeries qui participent pour la première fois à la foire telle Angalia (Meudon) avec un solo show de la jeune Congolaise Gosette Lubondo, à l’affiche cet été de l’exposition « À toi appartient le regard (…) et la liaison infinie entre les choses » au Musée du quai Branly. Magnin-A (Paris) montre de son côté sa dernière série « Allégoria » du Sénégalais Omar Victor Diop. L’Afrique du Sud concentre cette année nombre de travaux dont ceux de Jürgen Schaderberg (Bonne Espérance, Paris), Sue Williamson (Dominique Fiat, Paris), Jo Ractliffe et Zanele Muholi (Stevenson, Amsterdam et Afrique du Sud). Et le Moyen-Orient est mis en avant par Isabelle van den Eynde (Dubaï) avec le photographe irakien Latif Al Ani et la galerie Tanit (Munich et Beyrouth) pour la scène libanaise ou Silk Road (Téhéran) pour la scène iranienne.
Autre mouvement de fond notable : la réappropriation des procédés anciens et les nouvelles technologies. La galerie Binôme (Paris), spécialisée dans la photographie contemporaine en quête de nouvelles formes, présente les dernières pièces d’Anaïs Boudot et Thibault Brunet tandis Christophe Gaillard (Paris) revient avec des photos inédites de Stéphane Couturier, Letha Wilson et Hannah Whitaker. La mise en valeur par Paris Photo du secteur « Curiosa » est révélatrice de l’intérêt croissant pour ces nouveaux usages du médium, tous genres confondus. Dévolu aux artistes émergents et aux nouvelles pratiques photographiques, ce secteur confié à Shoair Mavlian, directrice de Photoworks (institution anglaise spécialisée en ce domaine) a retenu vingt artistes dont AnaMary Bilbao (Dix 9-Hélène Lacharmoise, Paris), Sébastien Reuzé (Un-Spaced, Paris), Maisie Cousins (Tj Boulting, Londres) et Anastasia Samoylova (Caroline O’Breen, Amsterdam).
Paris Photo ne peut toutefois être réduite qu’à ces tendances ou préoccupations dominantes (comme les défis environnementaux et plus largement du monde contemporain). Les bruits du temps à Paris Photo font aussi entendre des histoires singulières telles celle de Tomasz Machcinski (Christian Berst, Paris) et, plus largement, une histoire de la photographie qui, de Hans P. Kraus Jr. (New York), seule galerie spécialiste du XIXe siècle, à Howard Greenberg (New York), Kicken (Berlin), Julian Sander (Cologne), en passant par les galeries parisiennes Françoise Paviot, Les Douches, Peyroulet & Co, offre à voir des photos analogiques de maîtres du XXe siècle connus ou oubliés, et des tirages d’exception. Face au flot des images, la boussole demeure plus que jamais celle de la qualité du tirage, valeur intégrante d’une photographie comme le rappelle la collection de Thomas Walther actuellement au Jeu de paume. Pour sa première participation, Marlborough Fine Art (Londres) présente ainsi des tirages vintage rares de Bill Brandt, Irving Penn et Brassaï ; Karsten Greve (Paris, Cologne et Saint-Moritz) opte pour un solo show de Herbert List et Daniel Blau (Munich) réserve un ensemble de photographies rares de Louis-Alphonse Poitevin. Quant au stand de Lumière des Roses (Montreuil), photographies anonymes ou signées de grands maîtres, il réserve de bien belles trouvailles.
Le livre photo a le vent en poupe
Édition. Paris Photo se distingue des grandes foires d’art contemporain par son secteur « Éditions » qui, chaque année, fait son plein de signatures et de ventes. La créativité en ce domaine est particulièrement vivifiante même si le nombre exponentiel de parutions noie les travaux pertinents. Le livre photo demeure le support privilégié pour un photographe et sa diffusion s’avère toujours bien moins cher qu’un tirage. Parmi les trente éditeurs de l’édition 2021, figurent quelques grands noms tels Aperture, Kehrer, Mack, Radius, Akio Nagasawa en exposants habituels et Gost en nouveau venu. Côté français, Actes Sud, André Frère, Arnaud Bizalion, Atelier EXB, Delpire & Co, Filigranes, Le Bec en l’air, RVB Book et Textuel sont rejoints par Loose Joints et The (M), jeunes éditeurs aux créations remarquables. Taschen et les éditions Louis Vuitton se confortent dans ce domaine avec Amazônia de Sebastião Salgado pour le premier et leur collection d’albums photographiques pour les secondes. Ailleurs à Paris, Photobook Fair à l’Hôtel de Sauroy et Polycopies sur les berges de la Seine sont deux autres rendez-vous importants.
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Les bruits du temps à Paris Photo
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°576 du 29 octobre 2021, avec le titre suivant : Les bruits du temps à Paris Photo