Belgique - Galerie

ART CONTEMPORAIN

Le théâtre coloré de Christoph Ruckhäberle

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2024 - 517 mots

La galerie bruxelloise Sorry We’re Closed expose les compositions du peintre allemand associé à la nouvelle école de Leipzig.

Bruxelles. Le cadre des peintures de Christoph Ruckhäberle semble souvent trop modeste pour contenir le trop-plein des images où des personnages sont engagés dans des actions aux équilibres précaires. Dans une sorte de chaos burlesque, les corps se contorsionnent pour tenir sur la surface de la toile. Les bouteilles et les chaises volent comme dans des chamailleries d’éternels adolescents. Sans expression, ses figures apparaissent comme des pantins, jouets de forces qui les dépassent. Malgré les apparences, les situations que l’artiste met en scène ne sont qu’un prétexte pour agencer les formes, les corps, les vêtements, comme un échiquier coloré ou de l’abstraction déguisée. Un autre indice de son désintérêt pour une narration trop explicite, c’est qu’il ne donne jamais de titre à ses compositions. Puisqu’il faut bien en donner un à l’exposition, il l’a emprunté à Tchekhov en référence à la théâtralité frontale de sa dramaturgie où les personnages, souvent au nombre de trois, semblent mus par d’obscurs mobiles.

 

 

Penchant pour les arts populaires

Né en Bavière en 1972, Christoph Ruckhäberle a d’abord étudié à CalArts en Californie avant de revenir dans son pays pour intégrer, au début des années 2000, l’Académie des beaux-arts de Leipzig. Comme ses camarades de la nouvelle école de Leipzig (parmi lesquels Neo Rauch), il y a appris les techniques classiques du « métier de peintre » qui avaient presque disparu à l’époque dans l’enseignement artistique en Allemagne. Un de ses professeurs, Arno Rink, avait intégré dans son savoir-faire toute la tradition du réalisme socialiste en vigueur en RDA (République démocratique allemande). C’est sans doute ce qui explique, dans la peinture de Christoph Ruckhäberle, un penchant pour les a Le marche rts populaires, un réalisme « didactique » ou une imagerie foraine, qu’il détourne avec impertinence. Figure importante de la vie culturelle à Leipzig, il y a développé sa propre maison d’édition de livres d’art, Lubok, et y a aussi ouvert un ciné-club. Son attrait pour l’abstraction et le jeu de motifs géométriques se révèle dans les papiers peints qu’il réalise pour certaines expositions. Pas de cela chez Sorry We’re Closed, où ce sont des peintures grand format qui se détachent sur le blanc du mur de la galerie bruxelloise.

L’exposition se compose de travaux récents réalisés spécialement. Elle marque un retour à la pratique après six années consacrées à l’enseignement à l’Académie de Leipzig. Certains lui ont parfois reproché de changer régulièrement de style au cours de sa carrière, avec des accents expressionnistes, cubistes ou du pop art. Il faut plutôt y voir une évolution guidée par un évident plaisir de peindre et une jubilation de la couleur. À l’étage, on peut voir une série de dessins réalisés d’un gros trait noir au pinceau où il essaie des variations, cherchant le juste équilibre de formes avant de passer à la couleur.

Le prix des œuvres varie entre 12 000 euros pour les petits formats et 35 000 pour les grands. Le marché, européen, de Christoph Ruckhäberle s’étend aux États-unis et à l’Asie.

 

 

Christoph Ruckhäberle, Drei Schwestern,
jusqu’au 2 novembre, Sorry We’re Closed, rue des Minimes, 39, Bruxelles.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Le théâtre coloré de Christoph Ruckhäberle

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