PARIS
L’ancien photojournaliste a réalisé sous le titre « Sumud » une série méditative sur la jeunesse palestinienne en ces temps de conflit.
Lors de l’édition 2017 du Salon Paris Photo, sur le stand de Nathalie Obadia, l’âne et l’enfant dans un paysage de pierres sèches, de clôture et d’oliviers ne passaient pas inaperçus. Le visage du jeune garçon caché par la tête de l’animal, le corps en appui pour le faire reculer, le pelage gris d’hiver de l’âne, son regard fixe, obstiné, le vert de l’herbe rase et des oliviers, la pâleur du muret et du bout de ciel bleu : la composition tirée en grand format et les teintes de la scène impressionnaient. Le cartel indiquait « Luc Delahaye, Sumud, 2017, tirage chromogène numérique 185 x 249 cm encadré, édition 1/3 ». Se découvrait donc le dernier travail du photographe en Palestine, du moins l’une des pièces d’un ensemble qui demeurait invisible. Trois mois plus tard, l’exposition « Sumud et autres histoires » présentée à la galerie Nathalie Obadia résonne plus amplement de la résistance d’un peuple.
Une jeunesse méditant
Sumud, dans la conscience palestinienne, signifie « persévérer », « faire face avec détermination ». Il s’agit de résister, de rester sur cette terre trois fois sainte, de continuer d’y vivre, d’y travailler. Le premier voyage de Luc Delahaye en Cisjordanie remonte à 1987, lors de la première Intifada, son dernier à 2009. Il y est revenu seulement très récemment. Entre-temps le photographe a quitté Sipa, Magnum Photos, abandonné la pratique du photojournalisme ; il a intégré la galerie Nathalie Obadia, reçu le prix Pictet en 2012. Autant d’étapes qui racontent (un peu) de l’évolution d’une trajectoire attachée à questionner la représentation de l’être humain dans des situations de conflit.
La figure de la jeunesse est récurrente dans l’œuvre. Elle domine dans « Sumud et autres histoires » ; l’ellipse, l’allégorie ou la parabole, tout autant que les références picturales et bibliques, servent à exprimer le Sumud pour ces jeunes générations. À l’arrière d’un taxi collectif le regard baissé mais affirmé d’une jeune femme avec un enfant sur les genoux témoignent d’une forte présence. Deux gamins en pleine récolte dans un olivier, l’un penché dans un équilibre précaire, l’autre caché dans le feuillage de l’arbre dont on ne devine que la main, perpétuent d’autres gestes immuables à l’instar de ces deux jeunes hommes conversant sous l’ombre d’un arbre à myrrhe.
À l’Eyal Checkpoint, ce sont les hommes défilant devant la caméra, accompagnés du son répétitif du tourniquet, qui incarnent le quotidien de ces travailleurs employés en Israël. Des moments de grand calme, du moins en apparence, que la colère, la tempête, la mort et la douleur viennent régulièrement secouer. Leur interaction dans l’espace de la galerie renforce un travail qui ne cesse de rejouer l’iconographie du conflit dans une économie de moyens techniques sur le terrain et une sélection d’œuvres photographiques resserrée.
Comme à l’acoutumée chez Luc Delahaye, chaque photographie est autonome, qu’elle ait été reconstituée ou prise sur le vif importe peu. Le prix du tirage chromogène numérique s’étend de 25 000 à 45 000 euros ; la vidéo est diponible à la vente à 30 000 euros.
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Le témoignage palestinien de Luc Delahaye
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Abonnez-vous dès 1 €Luc Delahaye. Sumud et autres histoires,
jusqu’au 31 mars, galerie Nathalie Obadia, 18, rue du Bourg-Tibourg, 75004 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°495 du 16 février 2018, avec le titre suivant : Le témoignage palestinien de Luc Delahaye