Les collectionneurs américains Tony et Heather Podesta se sont concentrés sur les artistes femmes
WASHINGTON - L’habit ne fait pas le moine. Le collectionneur et lobbyiste de Washington Tony Podesta échappe ainsi aux codes vestimentaires du monde de l’art contemporain. On le verrait plutôt en rescapé de la série télévisée Les Soprano ! Son originalité ne s’arrête pas là. Lui et sa femme Heather se distinguent par leur penchant pour les artistes femmes, lesquelles représentent 70 % de leur collection. À les écouter, ce tropisme ne serait guère intentionnel. « Elles font un bon travail, utilisent beaucoup la photo et la vidéo, médiums que nous apprécions, souligne Heather Podesta. Il n’y a rien de politiquement correct dans cette démarche. En plus, Tony aime les femmes ! »
Ses premières œuvres, Tony Podesta les obtient par accident, alors qu’il travaille en 1980 pour la campagne d’investiture à la présidentielle du sénateur Ted Kennedy. Une partie de cette opération est financée par des dons d’œuvres d’art, principalement des multiples. Les chevilles ouvrières de l’équipe ayant vu se réduire leurs salaires de moitié, certains, dont Podesta, reçurent des lithographies en compensation. Les débuts de la collectionnite tiennent à peu de chose ! Visiblement mordu, le tacticien achète par la suite des œuvres de Louise Bourgeois, notamment un marbre de 1963 et une Cellule, puis, pêle-mêle, Olafur Eliasson, Chen Zhen, Beatriz Milhazes, Valérie Favre ou Berlinde de Bruycker. Le couple possède sans doute la plus grosse collection d’œuvres de Janaina Tschäpe – environ 300 pièces – et un noyau solide de vidéos et photos de Gillian Wearing, Sam Taylor-Wood, Sarah Morris, Nathalie Djurberg et Anna Gaskell. Les Podesta sont même en train d’aménager une nouvelle maison où ils installeront des moniteurs pour montrer quelques-unes de leurs deux cent cinquante vidéos. Cela promet un joyeux tohu-bohu, mais le duo connaît bien le pouvoir de dérangement des œuvres. Une photo de Taylor-Wood, Soliloquy VII, représentant un homme allongé en tenue d’Adam, sème ainsi régulièrement le trouble chez leurs invités...
Des « facilitateurs »
Lobbyistes aguerris des arcanes du Capitole, les Podesta jouissent d’un pouvoir différent des habituels collectionneurs prescripteurs. Leurs connexions avec les musées et les directeurs, leurs différents réseaux profitent aux artistes qu’ils soutiennent. « Nous sommes parfois des “facilitateurs”, reconnaît Tony Podesta. Sarah Morris voulait avoir accès à des lieux habituellement interdits pour des tournages, comme la Maison Blanche ou l’Academy of Awards de Los Angeles. Mon frère était alors le chef de l’équipe de Bill Clinton, et nous avons des connexions avec les milieux du cinéma. » De même, ils n’ont eu qu’à tirer certaines ficelles auprès de leurs confrères lobbyistes pour permettre aux artistes Jane et Louise Wilson de tourner dans les casinos de Las Vegas.
Dans la plus pure tradition américaine, Tony Podesta donne tous les ans, depuis une décennie, une centaine d’œuvres aux institutions locales, notamment au Corcoran Museum, à la National Gallery de Washington – « parce que ce musée ne peut revendre les œuvres » – et au National Museum of Women in the Arts, dont Heather est membre du conseil d’administration. « Nos œuvres se trouvent à 80 % dans des stockages, indique celle-ci. Toutes finiront un jour dans un musée. » Dans une institution plutôt que sur le marché, affirme ce couple qui n’a quasiment rien revendu depuis six ans.
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Le lobby de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Le lobby de l’art