Dans le sillage de la Fiac, la quinzième édition du salon affiche de beaux résultats, alors que certains craignent la montée en puissance des grosses galeries américaines.
PARIS - Sous la verrière du Grand Palais, à Paris, l’effet d’optique était saisissant. Envahie de grands formats d’artistes conceptuels tels que Thomas Ruff (Gagosian Gallery, Paris-New York), Sol LeWitt (Fraenkel Gallery, San Francisco), Sigmar Polke (Springer & Winckler, Berlin) ou Édouard Levé (Loevenbruck, Paris), la 15e édition du salon Paris Photo, qui s’est tenue du 10 au 13 novembre, créait l’illusion d’une édition bis de la Fiac. Disséminé à travers 117 galeries accueillant 55 nouveaux participants et 18 éditeurs internationaux de 23 pays, le thème de la photo africaine suscitait l’engouement pour les Maliens Seydou Keïta (1921-2001) et Malick Sidibé (né en 1936), les portraitistes de studio les plus recherchés des années 1950-1970. Porté par l’arrivée de toutes puissantes galeries américaines (Gagosian, Pace/MacGill, Fraenkel, Marian Goodman) et trois nouveaux rendez-vous pérennes, Paris Photo a attiré 51 144 visiteurs, soit 30 % de plus qu’au Carrousel du Louvre selon les organisateurs. On y croisait des collectionneurs d’envergure tels que François Pinault, la mécène suisse Maja Hoffmann, quarante-quatre groupes d’amis de musées et de trustees comme un public croissant d’amateurs. « Paris Photo a fait le plein du cœur des acheteurs de photographie qui s’identifient comme tels et possède une marge pour renforcer le nombre de ceux qui attendaient de savoir que la photo était incontournable », se félicitait Julien Frydman, son directeur.
Leadership accru
Submergée par la grande vague de la photo plasticienne, la photo historique, réduite à trois exposants, ajustait ses prix sans céder sur la qualité à l’instar du beau portrait Madonna and Child (1866) par Julia Margaret Cameron vendu pour 75 000 euros (Hans P. Kraus, New York). La photo moderne surprenait avec des clichés d’architecture (1934) peu vus d’August Sander cédés à 18 000 euros et 20 000 euros alors que The Pharmacist (1930), d’un format exceptionnel, restait invendu à 520 000 euros (Priska Pasquer, Cologne). L’œuvre de la pionnière japonaise de l’après-guerre Miyako Ishiuchi (The Third Gallery Aya, Osaka) perçait à l’instar de la photo suisse avec les portraits inspirés de la Renaissance par Christian Tagliavini qui étaient épuisés à 7 900 euros la pièce (Esther Woerdehoff, Paris). Le financier français Damien Bachelot offrait en dépôt au Musée de l’Élysée (Lausanne) un tirage de la série American Power de Mitch Epstein, acquis sur la foire entre 28 500 et 35 000 euros (Thomas Zander, Cologne).
Accroissant son leadership, Paris Photo réveillait un marché amorphe alors que l’œuvre monumentale Rhein II (1999) de l’Allemand Andréas Gursky culminait à 4,3 millions de dollars (3,1 millions d’euros) le 9 novembre chez Christie’s à New York, et qu’un rare vintage d’Henri Cartier-Bressons battait un record mondial à 433 000 euros le 11 novembre chez Christie’s à Paris.
Au Grand Palais, le Centre national des arts plastiques (Cnap) faisait pour la première fois l’acquisition d’une dizaine d’œuvres pour un montant excédant 100 000 euros. Les raretés s’arrachaient à l’instar de l’ensemble Tract House (1971) de Lewis Baltz négocié à 500 000 euros (galerie Luisotti, Santa Monica) comme les dix-huit exemplaires à 15 000 euros du livre d’artiste Tokyo de Daido Moriyama (galerie Toluca, Paris), dont la Tate de Londres dévoilait un ensemble acquis l’an dernier lors de l’annonce de l’exposition « William Klein/Daido Moriyama » en 2012. « Paris Photo n’est pas juste une foire. La Tate, invitée, a pu montrer son implication dans le domaine de la photo où elle n’avait pas bonne réputation », appréciait Simon Baker, conservateur de la photographie de l’institution.
Valeur ascendante, la photo africaine offrait autour de 3 000 euros des portraits d’Adama Kouyaté (Jean Brolly, Paris), alors que les chroniques de l’Afrique yéyé fêtant l’indépendance dans les années 1950-1960 vue par Malick Sidibé et Jean Depara, comme celles, post-apartheid, de Michael Subotsky ou Pieter Botha, dépassaient les 15 000 euros. The Art Institute of Chicago mettait la main, pour 18 000 euros, sur trois portraits de studio inédits de Seydou Keïta (Magnin-A, Paris). Loi du marché aidant, son Odalisque, tirée en 2001 à quinze exemplaires surdimensionnés que se partageaient trois galeries (Magnin-A, Agnès b. à Paris et Fifty One à Anvers), faisait figure de chef-d’œuvre vendu à plus de 60 000 euros. « Seydou Keïta avait pleuré de joie devant son «tableau». Enfermer ces clichés dans leur format d’origine est une forme de colonialisme déniant aux seuls auteurs africains le droit de gagner de l’argent », argumentait André Magnin, l’un des promoteurs de l’art contemporain africain.
Prise de pouvoir américaine ?
Autre débat, le face-à-face des galeries Gagosian et Pace/MacGill était perçu comme une prise de pouvoir américaine. « D’autres grosses pointures vont venir et les petites galeries vont se faire sortir », redoutait un galeriste français. « Je travaille sans répit depuis quarante ans pour représenter des artistes dont je suis fier. Il n’est question ici ni d’Amérique ni de MacGill, mais de photographie », réagissait Peter MacGill, président de la galerie qui a vendu dix œuvres majeures, parmi lesquelles un triptyque de nus d’Irving Penn cédé pour 130 000 euros et des portraits à 28 000 euros de Paul Graham, lauréat du premier prix du Livre Paris Photo pour son ouvrage A Shimmer of Possibility (éd. SteidlMack, 2007).
Des tirages exclusifs de Richard Avedon comme une pièce spectaculaire de l’étoile montante Taryn Simon attiraient, à la Gagosian Gallery, « une partie de la clientèle et des musées inexistants à Art Basel ou à la Fiac. La seule erreur a été de faire coïncider la foire avec les ventes aux enchères à New York qui ont pu retenir certains acheteurs », notait Serena Catteneo Adorno, codirectrice de l’antenne parisienne de la galerie. « Ce calendrier trop rapproché de la Fiac et de Frieze Art Fair [Londres], doublé d’un week-end férié, était inadéquat », déplorait une galerie française, qui n’a rien vendu. Décalé du 12 au 18 novembre, Paris Photo 2012 projette d’accueillir, au Grand Palais, des œuvres muséales majeures tout en organisant des galas, cogite déjà Julien Frydman.
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Le Grand Palais profite à Paris Photo
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : Le Grand Palais profite à Paris Photo