Double expositions de tabatières à la galerie Kugel, dont l’une est dédiée à Johann Christian Neuber, un orfèvre Allemand du XVIIIe siècle.
PARIS - Chez les Kugel, les tabatières sont une tradition familiale remontant au grand-père Matias Kugel, spécialisé dans l’orfèvrerie et établi en Russie à Minsk et Saint-Pétersbourg. « Lorsqu’il émigra à Paris au début des années 1920, il emporta nombre de ces objets qui ont permis à la famille de survivre », rapporte Alexis Kugel. « Dans le domaine des tabatières, Johann Christian Neuber, orfèvre minéralogiste à la cour de Saxe au XVIIIe siècle a toujours eu une place particulière, explique l’antiquaire. Ayant eu la chance de vivre dans un pays, la Saxe, où les sous-sols sont riches en pierres d’une grande variété de couleurs et de motifs naturels, il a inventé un type de tabatière formant cabinet minéralogique ». Perfectionnant une tradition locale de travail lapidaire, Neuber met au point une technique appelée Zellenmosaic, soit une mosaïque de pierres en cloisonné qu’il utilise pour réaliser tabatières, boîtes, pommeaux de cannes et châtelaines, avec des décors figuratifs (paysages et compositions florales) ou géométriques. Il répond ainsi au goût naissant pour la science, en particulier la minéralogie, parmi l’aristocratie et l’élite, et accroit sa renommée dans toute l’Europe, fait rare pour un artiste allemand au « siècle des Lumières ». Car Paris est alors la capitale européenne des arts, y compris dans le domaine des tabatières. À cette époque, « la tabatière est le signe extérieur de richesse, un peu comme la montre aujourd’hui », rappelle Alexis Kugel. Neuber a connu le succès avec ses petits chefs-d’œuvre portatifs combinant, comme il l’annonçait lui-même, « le luxe, le goût et la science ».
Des pièces d’exception
Pour cette exposition muséale, où rien n’est à vendre, est réunie une quarantaine de pièces de Neuber, dans le prestigieux écrin que constitue l’hôtel Collot, où Alexis et Nicolas Kugel ont installé leur galerie en 2004. L’exposition a été montrée à la Grünes Gewölbe de Dresde et à la Frick Collection de New York, avant l’ultime étape parisienne. Pourtant, très peu de pièces exposées sortent de ces institutions, la plupart provenant de collections privées connues des antiquaires, les organisateurs de l’exposition. « Il existait peu d’écrits sur Neuber, note Alexis Kugel. Nous sommes partis d’une publication des années 1930 qui recensait une trentaine de boîtes et tabatières. Nous avons par la suite répertorié 250 objets. Depuis la publication du catalogue, on nous a présenté une dizaine de pièces supplémentaires ». Parmi les objets prêtés, l’exceptionnelle « table de Breteuil », offerte à Louis-Auguste de Breteuil, ministre du roi Louis XVI, par l’électeur de Saxe, est conçue sur le modèle des tabatières, avec un plateau ovale pavé de pierres dures et de pierres semi-précieuses de Saxe numérotées de 1 à 128 et de bois pétrifiés. Un livret, indique pour chaque numéro, le nom de la gemme et son origine. On peut voir la table et le livret en détail sur l’application « Neuber » pour Ipad, à télécharger gratuitement.
À l’étage supérieur de la galerie, une autre exposition, commerciale cette fois-ci, rassemble une centaine de tabatières européennes du XVIIIe siècle dont quelques rares exemplaires de Neuber. Les prix sont confidentiels, mais de tels objets partent en ventes publiques entre 400 000 et 1 million d’euros pièce.
Jusqu’au 10 novembre, lundi-samedi 10h30-19h00, galerie J. Kugel, 25 Quai Anatole France, 75007 Paris, tél. 01 42 60 86 23. www.galeriekugel.com
- Nombre de pièces : 40
- Catalogue : Le luxe, le goût, la science…, Neuber orfèvre minéralogiste à la cour de Saxe, sous la direction d’Alexis Kugel, éditions Monelle Hayot, 423 pages, 100 €
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Le génie Neuber
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°376 du 5 octobre 2012, avec le titre suivant : Le génie Neuber