GALERIE

Le 5, un sacré numéro

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2018 - 709 mots

À Paris, rue du Grenier Saint-Lazare, se cache un espace d’exposition, une adresse discrète qui a vu défiler des galeristes ayant accueilli et soutenu les grands noms de l’art contemporain.

Paris. Si le numéro 5 de la rue du Grenier-Saint-Lazare pouvait parler, nul doute qu’il aurait beaucoup de choses à raconter. Ce ne sont en effet pas moins de cinq galeries et non des moindres qui s’y sont succédé en quarante ans. Avec, en toile de fond, un paradoxe et une énigme. Comment cet espace assez ingrat a pu attirer Yvon Lambert, Rüdiger Schöttle, Nathalie Obadia, Laurent Godin et aujourd’hui la galerie W (Éric Landau et Isabelle Euverte) ? Certes l’adresse est bonne, puisqu’elle se situe juste à côté du Centre Pompidou, avec vitrine sur rue et à deux pas de la galerie Daniel Templon (qui va d’ailleurs ouvrir prochainement au 14, de la rue du Grenier Saint-Lazare). Mais pratiquement au carrefour de la rue Beaubourg, mitoyenne d’une entrée de parking, adossée au quartier sans attrait de l’horloge, la galerie, sorte de grand cube composé de cubes, n’est ni glamour, ni d’un charme fou. Et pourtant…

Tout a commencé en 1977, au moment de l’ouverture du Centre Pompidou, lorsque Yvon Lambert (qui depuis 1966 avait sa galerie rue de l’Échaudé, à Saint-Germain des Prés), vient s’installer dans ce nouveau quartier pour l’art contemporain. Il inaugure avec Cy Twombly. Déjà ! Il va rester là jusqu’en 1986, année où il investit un magnifique espace au 108, rue Vieille-du-Temple, dans le Marais, en ouvrant avec… Cy Twombly, à nouveau. Si cette adresse qu’il va occuper jusqu’à fin 2014 (et qui est aujourd’hui la galerie VNH) va rendre Yvon Lambert célèbre, sa notoriété s’était déjà construite avec le 5, rue du Grenier-Saint-Lazare. Lorsqu’on lui demande comment il explique l’aura de ce lieu, la réponse est catégorique : « Ce sont les expositions qui font un lieu, et bien sûr la personne qui s’en occupe. C’est le travail de l’artiste et du galeriste que de savoir occuper un espace. » Comme un vade-mecum.

Lorsqu’il part de cet emplacement en 1986, il le garde un temps et le confie à Anne de Villepoix qui va le diriger jusqu’en 1989, avant qu’elle ne vole de ses propres ailes. C’est alors le galeriste munichois Rüdiger Schöttle qui va le reprendre. Mais en période de crise, avec un chantier devant chez lui et trop de frais, il ne va rester qu’environ trois ans. Après son départ et quelques travaux de réaménagement, Nathalie Obadia s’y installe en septembre 1995. Ironie du sort, la voilà sous son propre nom dans les murs de Lambert après avoir fait ses armes chez… Templon. « C’était pour moi une étape importante, avant d’avoir un espace plus grand. Et puis Yvon avait fait là des expositions extraordinaires », précise la galeriste qui ferme en 2003 pour partir à deux pas, rue du Cloître-Saint-Merri.

En octobre 2005, Laurent Godin reprend l’espace qui, avec son rideau de fer descendu était resté fermé environ deux ans, et expose en ouverture Wang Du. Il y a fait d’importants travaux et enlève notamment un faux plafond. « Quand nous avons retiré les plaques en polystyrène, nous sommes  tombés sur une frise en papier peint de Daniel Buren. C’est un lieu qui a une histoire, une énergie particulière », indique Godin. Il ouvre dans la plus grande salle un escalier de meunier pour exposer également des œuvres au sous-sol et surtout « augmenter le temps de passage du visiteur, pour éviter qu’il ne fasse qu’un aller et retour rapide au rez-de-chaussée ».

Il a déménagé en juillet dernier pour se concentrer sur le second (et plus grand) espace qu’il a ouvert il y a presque deux ans rue Eugène Oudiné dans le 13e arrondissement. Depuis le 6 décembre, c’est dorénavant la galerie W qui occupe les murs (dont Yvon Lambert et sa fille Eve sont toujours propriétaires). Éric Landau et Isabelle Euverte, qui la dirigent, ont quitté leur rue Lepic et ont procédé à de nouveaux aménagements pour améliorer encore les conditions d’expositions. Avec le temps, la galerie se bonifie et devient   même un bel espace. L’aventure continue. Et tous le disent : l’esprit d’Yvon Lambert, aujourd’hui libraire-éditeur rue des Filles du Calvaire, continue à planer sur la galerie.

Galerie W

5, rue du Grenier-Saint-Lazare, 75003 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°492 du 4 janvier 2018, avec le titre suivant : Le 5, un sacré numéro

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