L’aventure surréaliste continue avec Dalí

Artcurial disperse à Paris la collection Perrot-Moore issue d’un musée privé de Cadaquès

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2003 - 1029 mots

Les 30 juin et 1er juillet à l’hôtel Dassault, Artcurial consacrera une vente fleuve pour disperser le fonds d’un musée privé Dalí, en Espagne, fondé par le secrétaire particulier du peintre. Après Breton, les amateurs de surréalisme ont à nouveau rendez-vous dans la capitale française, cette fois autour de Dalí­. L’artiste jouit d’une cote de popularité très forte auprès du grand public. Des sculptures, des photographies repeintes, des dessins d’illustrations et de nombreuses œuvres sur papier sont à saisir à partir de 1 000 euros.

PARIS - Les 30 juin et 1er juillet, les 423 œuvres de Salvador Dalí composant la collection Perrot-Moore seront dispersées par Artcurial. Cet immense ensemble a été réuni par le capitaine Moore, un ancien officier de l’armée britannique qui rencontre Dalí en 1956, devient son secrétaire particulier à partir de 1960, puis son collaborateur permanent et homme de confiance de 1965 à 1977. En 1978, Dalí inaugure officiellement le musée privé Perrot-Moore de Cadaquès, près de Figueras, en Espagne. À la suite d’expositions itinérantes à travers l’Europe et en Amérique du Sud dans les années 1980, la collection est déplacée dans l’ancien théâtre de Cadaquès transformé en centre d’art. Elle y a, depuis, été exposée de façon permanente. Aujourd’hui, le capitaine Moore, âgé de quatre-vingt-cinq ans, et son épouse, sans descendance, ont décidé de vendre leur collection dont la pérennité ne peut être assurée. Paris s’est imposée comme place de choix en raison de l’attachement du peintre surréaliste espagnol à cette ville – il y a passé de nombreuses années –, mais aussi pour le rayonnement du marché de l’art français dans toute l’Europe, surtout concernant le surréalisme.

Un Dalí touche-à-tout
Les 423 lots ont fait l’objet d’une autorisation de sortie d’Espagne, une procédure incontournable visant à la protection du patrimoine culturel espagnol. Aucune œuvre ne semble avoir intéressé les institutions ibériques. “C’est un Dalí touche-à-tout que révèle la vente, résume Violaine de la Brosse-Ferrand, spécialiste en art moderne chez Artcurial. Celle-ci contient peu de peintures surréalistes, mais des sculptures et des œuvres sur papier.”
Une première vacation, programmée le 30 juin en soirée, rassemble une quarantaine de pièces, le meilleur de la collection. La Plage du Llane à Cadaquès, une œuvre de jeunesse de 1923 illustrant un lieu cher à Dalí et l’une des rares huiles de la vente, a été estimée 250 000 à 350 000 euros. Les pièces surréalistes devraient avoir la faveur des amateurs, à l’instar du lot n° 6, une minuscule peinture sur panneau de 8,8 x 6,8 cm intitulée Sans titre connu comme suenos en la playa (rêve sur la plage) et estimée 130 000 à 180 000 euros, qui reste un petit bijou du genre. Sur les neuf sculptures présentées en première partie, on retiendra : La Femme au pain, un bronze peint et décoré, conçu en 1933 et édité en 1977 à 8 4 exemplaires, estimé entre 180 000 et 250 000 euros ; Le Soulier de Gala, un objet surréaliste conçu en 1932 et édité à huit exemplaire en 1977, estimé 80 000 à 120 000 euros, ou encore le célèbre Éléphant spatial (260 x 152 x 40 cm) de 1980, une icône en trois dimensions tirée du thème pictural dalinien de La Tentation de saint Antoine, estimé 150 000 à 200 000 euros.
Si les œuvres sur papier dominent l’ensemble de la vente, les compositions surréalistes les plus marquantes l’emportent en valeur, à l’exemple de : Mannequin javanais connu aussi comme hommage à Quevedo, un dessin à l’encre de Chine signé, daté 1943 et estimé 60 000 euros ; Portrait de Harpo Marx avec girafes en feu, un dessin à la mine de plomb et à l’aquarelle estimé 70 000-100 000 euros ; un projet d’affiche pour l’exposition “Memories of surrealism” du Museum of Modern Art de New York en 1968, estimé 50 000 euros ; Rhinocéros, estimé 70 000 euros, une gouache de 1968 en hommage à Albrecht Dürer dont Dalí a réinterprété la gravure, sans oublier L’Œil de Salvador Dalí, un autoportrait expressif de 1943. Estimé 30 000 euros, ce dessin à la mine de plomb fera sûrement grimper les enchères.
La vente se poursuit le 1er juillet. Cette seconde vacation débute par une série de dessins érotiques dans une fourchette de prix allant de 2 000 à 15 000 euros, agréable entrée en matière. “Pénis visuel et rêveries musculaires, projetés par un regard dynamique sur le modèle, donnent naissance à des dessins évanescents ou hyperréalistes dans lesquels l’exceptionnel talent de dessinateur du Maitre de Figueras fait passer le souffle d’un désir sans cesse renouvelé par le regard”, commente l’expert de Dalí, Robert Descharnes.

Une série rare de photographies retravaillées
“La série des photos retravaillées à la gouache par Dalí est particulièrement intéressante d’autant plus que ces images sont rares”, souligne Violaine de la Brosse-Ferrand. Elles sont estimées 3 000 à 15 000 euros pièce. On y retrouve les égéries du maître, Gala et Amanda, des thèmes daliniens tel le rhinocéros ou une étude pour Le Toréador hallucinogène, ou encore des interprétations surréalistes de tableaux connus comme L’Angélus de 1972, une gouache sur photographie estimée 7 000 euros. Figure également un superbe Dalí couronné, une gouache et collage sur fond photographique de 1968, dont l’estimation est de 30 000 euros.
Le reste de la vente est très éclectique. Les chasseurs de souvenirs daliniens auront l’embarras du choix. Peut-être craqueront-ils pour le Dalí illustrateur de cartes à jouer, un jeu si cher à Gala, qui était médium. Une trentaine de cartes de grandes dimensions (52 x 35 cm et 40 x 27 cm) sont proposées à la vente entre 12 000 et 30 000 euros. Roi de pique, valet de cœur, dame de trèfle... faites vos jeux. Parions sur les as, en particulier celui de carreau, illustré par une montre molle à la fourmi très réussie.

COLLECTION PERROT-MOORE

Vente le 30 juin à 21 heures et le 1er juillet à 10 h 30 et 14 heures, Artcurial, hôtel Dassault, 7 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris, tél. 01 42 99 20 04, www.artcurial.auction.fr, exposition : les 19, 20, 23 et 24 juin 11h-18h, les 27, 28 et 29 juin 11h-20h, le 30 juin 11h-15h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°174 du 27 juin 2003, avec le titre suivant : L’aventure surréaliste continue avec Dalí

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