Foire & Salon

VENTES PUBLIQUES

L’association Christie’s et ex-Biennale des antiquaires ne plaît pas à tout le monde

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2020 - 813 mots

Annulée en raison de la crise sanitaire, la Biennale (des antiquaires) Paris s’est transformée en une vente aux enchères en ligne, qui ne fait pas l’unanimité.

En mai dernier, face à la pandémie, le Syndicat national des antiquaires (SNA), organisateur de la Biennale Paris annulait l’édition 2020, censée se tenir au Grand Palais mi-septembre. Désireux de « donner une certaine visibilité aux marchands qui ont beaucoup pâti du contexte actuel », selon Georges De Jonckheere, président de la manifestation, le SNA et Christie’s ont imaginé une vente aux enchères en ligne (jusqu’au 8 octobre). Fait inédit, la majorité des œuvres mises en vente ne sont pas exposées chez Christie’s, mais restent chez les marchands, « afin d’inciter les collectionneurs à se rendre dans les galeries », explique Cécile Verdier, présidente de Christie’s France. Trente-quatre marchands français et huit étrangers participent à cette vente en ligne d’un nouveau genre. Des fidèles, comme Steinitz, Kevorkian ou Gastou, rejoints par quelques-uns qui avaient déserté l’ex-Biennale des antiquaires, tels qu’Aveline, Léage, Haboldt, Perrin… Chacun des participants met aux enchères une, deux ou trois œuvres, soit au total 91 lots, pour une estimation de 7 à 10 millions d’euros. Les estimations vont de 8 000-12 000 euros pour une suite de six chaises de Charlotte Perriand (galerie Laffanour) à 400 000-600 000 euros pour L’Été : la moisson, de Pieter Brueghel le Jeune (galerie De Jonckheere, voir ill.).

Ce partenariat inédit va de soi pour les marchands qui ont répondu présents. « Antiquaires et maisons de ventes sont les passagers d’un même navire ! », lance le marchand allemand Volker Wurster (galerie Neuse, Brême), qui a mis dans la vacation trois objets aux provenances royales et impériales.

Toucher de nouveaux acheteurs

Mais à qui profite l’opération ? Pour Christie’s, hormis une vente de plus, elle empochera la commission acheteur – soit 30 % (sans frais vendeur) –, sans oublier l’opportunité d’avoir les contacts de nouveaux clients. Et côté marchands ? Ils prennent le risque, tout comme dans leur galerie, que l’œuvre reste sur le carreau et n’auront accès ni au fichier clients de la maison de ventes, ni au nom de l’adjudicataire. Mais ce qu’ils espèrent avant tout, c’est profiter d’un porte-voix et de la puissance de frappe de l’auctioneer. « Je me moque de connaître le nom de l’acheteur. Ce que je souhaite, c’est que l’on voit mon nom. Rien dans ce que m’a proposé Christie’s est contraire à mes intérêts et tout a été très bien géré », rapporte Jean-Christophe Charbonnier, qui met en vente un casque Momonari Kabuto, Japon, époque Edo (estimation : 15 000 à 20 000 €, voir ill.). « J’ai l’objet et Christie’s a le client. Si tout se passe bien, c’est un collectionneur que je ne connais pas qui l’achètera. Je compte sur le fait qu’il se souviendra que cet objet provenait de ma galerie et qu’il y viendra », espère Anthony Meyer, qui présente un linteau Maori de Nouvelle-Zélande (estimation : 120 000 à 180 000 €). L’un des enjeux réside dans le choix des pièces. « Il fallait être stratégique, en conciliant une estimation attractive – ce qui ne fait pas notre jeu – et une pièce intéressante, pour que nous retombions sur nos pattes », souligne Jean-Christophe Charbonnier. Aussi, certains marchands se sont désistés faute d’avoir trouvé l’objet adéquat ou un accord avec Christie’s sur l’estimation.

« C’est la négation de notre métier de marchand »

L’initiative du SNA en a surpris plus d’un, certains antiquaires et galeristes se sentant « trahis ». « Ils sont allés directement chez l’ennemi. Ils pensent rencontrer de nouveaux clients car les objets sont visibles chez eux, mais les acheteurs de Christie’s – plus de 70 % d’internationaux – ne se déplacent pas forcément et, en ces temps de crise sanitaire, ils ne bougeront pas de leur pays », clame un marchand qui ne décolère pas. « S’associer avec une maison de ventes, c’est la négation de notre métier de marchand. Ce n’est pas le rôle d’un syndicat. Pourquoi n’a-t-il pas plutôt loué une salle et fait appel à un huissier ? », se demande le marchand d’arts premiers Bernard Dulon. « Je ne suis pas favorable à ces initiatives contribuant à accentuer le déséquilibre concurrentiel qui existe entre marchands et maisons de ventes, au bénéfice de ces dernières. Preuve en est que c’est à l’une d’entre elles qu’il a été fait appel ! D’autres instances, comme les principales foires, développent leur propre outil dématérialisé pour faire face à une situation conjoncturelle dont j’émets fermement le vœu qu’elle ne devienne pas structurelle », estime, quant à lui, le marchand parisien Franck Prazan. Et de poursuivre : « En temps contraints, je comprends parfaitement qu’à court terme il puisse y avoir nécessité de générer de l’activité. Dans tous les cas, l’affaiblissement potentiel des marchands au bénéfice des maisons de ventes n’est pas une bonne nouvelle pour le marché, car seuls les marchands assurent l’ajustement de l’offre et de la demande par l’effet de stock qui est leur apanage. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°552 du 2 octobre 2020, avec le titre suivant : L’association Christie’s et ex-Biennale des antiquaires ne plaît pas à tout le monde

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