Les prix sont à la baisse en raison des revendications du Mexique. Seules les pièces bien tracées trouveront donc preneur.
La civilisation Aztèque, ou Mexica, s’est développée durant la période dite postclassique (entre 1325 et 1521, année de la défaite de Mexico, autrefois nommée Tenochtitlan, face aux Espagnols). « Le terme d’Aztèques – ceux originaires d’Aztlan – vient d’un ouvrage publié en France par Alexander von Humboldt au XIXe siècle. Mais ceux-ci se sont nommés Mexica et c’est ainsi que cette culture est connue au Mexique. Avec nos collègues mexicains, nous avons décidé d’utiliser le bon terme, tout comme au Canada on n’utilise plus le terme Esquimau mais Inuit », explique Steve Bourget, responsable des collections Amériques au Musée du quai Branly. Pour autant, du côté du marché de l’art, experts et marchands continuent d’employer la dénomination « Aztèque ».
Le marché des objets aztèques a pris son essor dans les années 1970 et n’a cessé de se développer, avec des ventes de collections comme celle de Gérard Geiger (2005, 6,2 M€) ou d’H. Law (2011, 7,5 M€). Mais à partir de 2008, le Mexique a commencé à revendiquer son patrimoine d’origine – phénomène qui s’est accentué depuis 2013. Ces actions en justice ont fortement ralenti les ventes aux enchères – bien que le Mexique n’ait quasiment rien récupéré. À Paris, Christie’s a arrêté d’organiser des ventes, mais Sotheby’s, qui avait arrêté aussi, les a finalement relancées en septembre dernier. « Selon moi, il existe encore un marché pour ces objets, même si la tendance est de l’abandonner complètement en Europe. C’est pour ça que nous avons décidé de nous y remettre et de le défendre », indique Pierre Mollfulleda, directeur du département Afrique et Océanie de Sotheby’s Paris.Si beaucoup d’objets ont été détruits par la conquête espagnole, ce sont essentiellement des objets d’art funéraire, profane ou issus de l’architecture qui apparaissent sur le marché. La plupart d’entre eux sont sculptés en pierre de lave (basalte ou tuf) – la région étant très volcanique – et dévoilent une statuaire hiératique, autrefois polychrome. Il existe aussi des pièces en céramique ou encore en métal, notamment en or (bijoux). Celles en bois ainsi que les textiles ont très peu survécu.
1. humain
Ces sculptures anthropomorphes étaient placées à l’extérieur des temples pour que, tels des soldats de pierre, elles soutiennent des banderoles dans leurs mains, annonçant à tous que la divinité était présente à l’intérieur du temple. Cette statue provient de la collection Joseph Muller, poursuivie par son gendre Jean-Paul Barbier-Mueller et dispersée en 2013. La vacation avait atteint 10,3 M€ mais elle aurait rapporté plus si le Mexique n’avait revendiqué de nombreux lots la veille. Même si aucune pièce n’était litigieuse, cela a provoqué l’annulation de plusieurs ordres, notamment de musées américains.
Sotheby’s Paris,
le 22/03/2013.
2. déesse
Cette sculpture, provenant de l’ancienne collection Charles Ratton, représente Chalchiuhtlicue, la déesse de l’eau. Les Aztèques, polythéistes, vénéraient un large panthéon de divinités qui, selon eux, supervisaient tous les aspects de la vie quotidienne. Aussi, la statuaire aztèque en compte de nombreuses représentations. En plus de Chalchiuhtlicue, il y avait aussi, entre autres, Huitzilopochtli (dieu du soleil et de la guerre), Quetzalcoatl (dieu de la civilisation), Tlaloc (dieu de la pluie) ou encore Coatlicue (déesse de la fertilité et de la terre).
Sotheby’s New York,
le 17/05/2007.
3.crâne
« En galerie, nous sommes moins embêtés par les revendications du Mexique qu’en ventes publiques. Cela reste un marché de passionnés et les prix sont stables, mais pour les chefs-d’œuvre et pour les objets atypiques, cela vaut plus cher qu’il y a 20 ans », explique le marchand Jean-Christophe Argillet, directeur de la galerie Furstenberg, l’une des deux seules galeries spécialisées qui existe encore à Paris avec la galerie Mermoz. Le crâne, symbole de mort mais aussi promesse de résurrection, est un motif récurrent chez les Aztèques.
Galerie Furstenberg,
Paris.
4. guerrier
Si les premières collections d’art aztèque ont commencé à se constituer au XIXe siècle, au moment de l’indépendance du Mexique (1821), notamment par l’Anglais William Bullock ou le Français Édouard Pingret, elles se sont développées au début de XXe siècle avec l’arrivée de grands marchands comme Joseph Brummer, Charles Ratton, Émile Deletaille – c’est de sa collection dont provient cette pièce (Bruxelles, fin des années 1960) – Olivier Lecorneur, Jean Roudillon ou encore les américains André Emmerich et Edward Merrin. Aujourd’hui, on compte de moins en moins de marchands spécialisés en art précolombien dans le monde. Aux États-Unis, il ne reste que David Bernstein (New York).
Binoche et Giquello,
le 23/03/2016.
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L’art des Mexica sous pression
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°775 du 1 mai 2024, avec le titre suivant : L’art des Mexica sous pression