MONDE
Par leur qualité, les objets en bronze et ivoire du royaume du Bénin fascinent les Européens, et ce depuis les premiers échanges commerciaux au XVe siècle.
Il existe une longue et riche tradition du bronze selon la technique à la cire perdue, en Afrique, autour du bassin du fleuve Niger et les cultures avoisinantes. Les œuvres des artistes du royaume du Bénin au Nigeria, du XVe au xixe siècle, exclusivement attachés aux souverains, sont considérées comme les plus prestigieuses.
Les artistes de la cour du Bénin s’exprimaient aussi avec talent sur l’ivoire. Les magnifiques sculptures en ivoire ont d’ailleurs longtemps (du xvie au xviiie siècle) été prisées par la haute noblesse européenne qui les commandait et les échangeait contre des manilles en bronze. Cela conduisit à un métissage culturel de certains objets.
À la fin du XIXe, deux mille quatre cents objets arrivent en Europe
À la tête du royaume du Bénin se succèdent des oba (rois). Les confréries d’artisans qui sont affiliées aux Iwebo (l’un des trois ordres sous le contrôle direct de l’oba) ont essentiellement travaillé pour l’oba tout au long de l’histoire du Bénin, ne pouvant exécuter des commandes d’œuvres pour d’autres clients qu’avec l’autorisation royale. La période des XVe-XVIe siècles est celle de l’épopée des rois guerriers, marquée par l’expansion territoriale du Bénin et par les relations commerciales avec les Européens, en particuliers les Portugais. Ces derniers ont apporté un soutien militaire au grand roi Esigie.
La richesse de l’iconographie artistique qui magnifie le pouvoir royal du Bénin et conte l’histoire du royaume, connaît une nouvelle période de splendeur au XVIIIe siècle sous le règne des oba Akenzua 1er et Erensoyen.
En 1897, l’expédition punitive britannique envahit le royaume du Bénin, détruit la capitale Bénin City et pille le palais de l’oba. Environ deux mille quatre cents objets, dont plus d’un millier de plaques en bronze, furent rapportés en Europe par les troupes britanniques.
Ces pièces de toute beauté suscitèrent l’admiration des spécialistes et un vif intérêt de la part des musées et des collectionneurs privés. La dispersion de ces œuvres au cours des différentes ventes aux enchères à Londres favorisa la redécouverte de l’art royal du Bénin et permit aux musées européens, surtout allemands et autrichiens, de constituer d’importantes collections.
Galerie Bernard Dulon, 10, rue Jacques-Callot, Paris, VIe, tél. 01 43 25 25 00, www.bernard-dulon.com
Galerie Entwistle, 5, rue des Beaux-Arts, Paris, VIe, tél. 01 53 10 02 02, www.entwistle.fr
Christie’s, 9, avenue Matignon, Paris, VIIIe, tél. 01 40 76 85 85, www.christies.com
Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris, VIIIe, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’art béni des rois du Bénin
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Les têtes d’oba
La tradition raconte qu’au Bénin, à partir du XIVe siècle, la coutume était de décapiter les rois vaincus. Leur tête était offerte à l’oba (dirigeant de l’ancien royaume du Bénin) vainqueur qui la confiait aux artisans bronziers pour la statufier. À ces trophées de guerre succède, au XVIe siècle, la production de têtes commémoratives de souverains représentés coiffés d’un bonnet de perles de corail, orné d’une perle ponctuant le milieu du front, et portant un collier de perles de corail à rangs multiples. Un troisième style se distingue à partir du XVIIe siècle : les têtes en métal plus épais arborent un collier couvrant cou et menton. Dans une période tardive, au XIXe, deux éléments en forme d’ailes ornent la coiffe de l’oba. Les têtes d’oba en bronze, réalisées selon la technique de la fonte à cire perdue, supportaient des défenses et étaient placées sur des autels.
hauteur : 23,5 cm, ancienne collection de la Albright-Knox Art Gallery.
Adjugée 3 330 000 euros, vente du 17 mai 2007, New York, Sotheby’s. Record mondial pour une tête en bronze du Bénin aux enchères.
Figures à boucle
Cette sculpture fait partie d’un groupe de figures en bronze massif ayant été coulées avec une tige pointue (ici manquante) se prolongeant au-delà des jambes et des pieds du personnage et destinée à être enfoncée dans un autel ancestral en argile où l’on faisait des sacrifices réguliers. De sa main droite, la figure de l’oba porte une épée (eben), ici partiellement brisée, et présente sa main gauche, paume vers le bas, dans un geste du rite Emobo visant à congédier les esprits trop gourmands d’offrandes. Une boucle de bronze nervuré part du sommet de la tête. Les historiens pensent qu’elle servait à empêcher les serviteurs du palais de toucher par inadvertance la protubérance cylindrique de la couronne.
Figure d’oba, bronze, XVIIIe-XIXe siècle, royaume du Bénin, Nigeria, hauteur : 53,5 cm, collection Russel B. Aitken, socle Inagaki.
Adjugée 150 000 euros, vente du 3 avril 2003, New York, Christie’s.
Bracelets de dignitaires
Ces bracelets sont décorés d’une frise sculptée en bas-relief avec quatre personnages : deux cavaliers sur leur monture et, en position inversée, deux hommes en pied, ce qui permet de les porter dans un sens comme dans l’autre sur le bras. Les quatre figures sont des Portugais, identifiables à leur coiffe, leurs longs cheveux et leurs vêtements. Ils sont accompagnés d’éléments iconographiques évoquant l’oba : le léopard, l’oiseau de prophétie et la trompe d’éléphant se terminant en une main humaine tenant des feuilles. Dès le xvie siècle, des Portugais sont représentés dans l’art du Bénin. Si la présence portugaise a été courte au Bénin (vers 1472 – fin du xvie siècle), elle n’en a pas moins marqué l’épopée des rois guerriers.
Paire de bracelets en ivoire à patine brun rouge nuancée, brillante sur les reliefs, XVIIIe siècle, royaume du Bénin, Nigeria, hauteur : 13,5 cm chacun.
Adjugée 21 600 euros, vente du 6 juin 2005, Paris, Sotheby’s.
Plaques historiées en bronze
Les plaques en bronze du Bénin ornaient les piliers du palais royal. La grande majorité de ces reliefs à un ou plusieurs personnages représentent des guerriers, prêtres, courtisans, fonctionnaires, musiciens, chasseurs, commerçants européens... tels qu’ils apparaissaient au cours des cérémonies associées à la cour de l’oba. Cette plaque représente un chef de guerre tenant un sceptre dans la main droite et une courte épée (eben), dans la main gauche. Il porte un haut couvre-chef, un faux col en perles et un collier en dents de léopard, des franges simulant une tunique en peau de léopard, une cloche quadrangulaire, de larges bracelets et de hauts bracelets de chevilles perlés, un pagne à décor incisé de visages stylisés, d’un bras et d’un motif floral. Le fond de la plaque est gravé de motifs floraux à quatre pétales (ebe-ame).
Plaque en bronze, vers 1580-1620, royaume de Bénin, Nigeria, hauteur : 40 cm.
Adjugée 503 000 euros, vente du 14 juin 2004, Paris, Christie’s.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°606 du 1 octobre 2008, avec le titre suivant : L’art béni des rois du Bénin