L’AFP se dote d’une galerie photo

Paris. Le 80e anniversaire de la Libération de Paris, du 19 au 25 août 1944, a coïncidé avec les 80 ans de l’Agence France-Presse (AFP) : une dépêche clandestine avait annoncé le 20 août 1944 sa création et la fin de l’agence Havas, mise sous tutelle allemande en 1940. Une quarantaine de photographes réunis par Henri Membré, résistant membre des Forces françaises de l’intérieur et ex-correspondant de guerre, ont couvert ces journées historiques. Depuis le 12 septembre, leurs images sont mises en dialogue avec la collection d’Alain Eymard et Laurent Fournier riche de photographies amateurs prises à la même époque, dans une exposition qui inaugure la Galerie photo de l’AFP, aménagée au sein du siège de l’agence, à Paris.

Photographies d’embuscades, de fusillades, de barricades que l’on élève, d’arrestations de soldats allemands ou de tireur isolé, de soldats allemands morts dans une rue ou de civils exécutés au fort de Vincennes : cette semaine d’août 1944 se raconte par bribes avec ses grandes figures, tels le général de Gaulle ou Eisenhower, et ses manifestations de joie. Elle se lit aussi à travers des images moins vues comme celles de deux enfants seuls devant une grille de jardin, témoins d’on ne sait quelle scène, ou de cette séquence d’un officier allemand arrêté, lynché par la foule et agonisant au sol. Aux murs, les premières dépêches de l’AFP, une carte de Paris avec la localisation des photographes AFP et d’autres documents inédits contribuent à faire de l’exposition un moment fort, émouvant.

L’AFP fait preuve de pionnière parmi les agences de presse mondiales en ouvrant une galerie de photographie. Plus que la commercialisation de ses photos, « c’est la valorisation du fonds photo qui a motivé sa création. Car en dehors d’événements anniversaire, objets de publications, il est en sommeil. Or il y a des choses fantastiques. Il s’agit de les faire revivre », explique Marielle Eudes, directrice des Projets spéciaux photo à l’AFP et de la galerie avec Christophe Calais, responsable éditorial à l’AFP et ancien rédacteur en chef de Magnum Photos.

L’AFP dispose d’un volume d’archives considérable : 6 millions de documents argentiques dont 350 000 plaques de verre et quelque 20 millions de documents numériques. La période couverte elle-même est sans équivalent, les premières photographies datent de 1870, à l’époque de l’agence Havas créée en 1835.

Trois ventes aux enchères précédées d’expositions ont été une première étape dans cette valorisation patrimoniale : organisée en septembre 2021 par Digard Auction sur le thème des années argentiques, la première a atteint 297 000 euros, tandis que le résultat de ventes de la troisième, relative aux années 2000-2023, s’est élevée à quelque 100 000 euros (Ader pour les deux autres ventes). « Le produit de ces ventes a été [affecté] à la conservation et restauration du patrimoine photographique de l’agence. Si l’on connaît l’auteur de la photographie, 10 % lui sont reversés », précise Marielle Eudes, qui souligne la salarisation des photographes de l’AFP et l’acquisition des droits par l’agence. Les ventes réalisées par la galerie ne dérogeront pas à ce principe. Pour l’heure, excepté les photographies de la collection Eymard-Fournier qui ne sont pas à vendre, celles de l’AFP tirées à quatre exemplaires sont cédées entre 1 000 et 6 000 euros pièce. Quant à la prochaine exposition, programmée en décembre, elle sera consacrée à la pauvreté en France au cours des années 1985-1989, à l’occasion de la 40e campagne des Restos du Cœur.