Floride

La fin de l’arrogance

Commerce ralenti et gros rabais ont caractérisé Art Basel Miami Beach du 4 au 7 décembre.

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2008 - 744 mots

Le stand de Jeffrey Deitch (New York), situé à l’entrée d’Art Basel Miami Beach, offrait une bonne métaphore du moral des galeristes à l’ouverture de la foire. Qu’y voyait-on ? Une crucifixion de Stephen Sprouse et une gisante de Vanessa Beecroft !

Art Basel Miami Beach%26copy; Bede Murphy (2007)

MIAMI BEACH - Il y avait effectivement de quoi broyer du noir aux premières heures du vernissage : un quota clairsemé d’amateurs, un silence presque sépulcral dans le phalanstère de Supernova. Des galeristes, qui autrefois ne savaient où donner de la tête, se tournaient les pouces. Mais au final, les marchands sont retombés sur terre. « On s’attendait à un crash, on a eu un atterrissage en douceur, mais à la dernière minute », concédait le galeriste Xavier Hufkens (Bruxelles) après avoir vendu plusieurs sculptures de Thomas Houseago. « On a tous été chanceux de bénéficier d’un dernier tour de piste. Mais c’est comme lorsque le médecin nous dit : “ça va pour cette fois, mais faites attention à l’avenir.” » Les marchands américains qui sélectionnaient les clients selon leur pedigree étaient contraints à l’humilité. Ceux qui ne juraient que par les nouveaux acheteurs ont replongé dans leurs vieux carnets d’adresses.
Les exposants avaient aussi compris qu’il fallait aller au charbon. « On ne voyait pas de fonds de tiroirs déversés sur les stands comme parfois », remarquait le collectionneur Bob Rubin. Malgré une section moderne assez fade, le niveau général était bon, mais sans pièces spectaculaires ni installations titanesques. Comme sur la foire londonienne Frieze deux mois auparavant, tous les exposants avaient remisé la hype et le glamour. Paula Cooper (New York) offrait sans doute le plus beau stand, orchestré autour de Carl Andre, Sherrie Levine et Kelley Walker. Nelson-Freeman (Paris) n’a pas non plus démérité avec le face-à-face de pierres de Michael Heizer. Une belle série de petits portraits de Picabia se déployait enfin sur le mur extérieur de Michael Werner (Cologne, New York). De l’avis général, le commerce fut moyen, en baisse parfois de moitié par rapport à l’an dernier. Si les galeries de premier marché ont consenti spontanément à des étalements de paiement et des rabais de 15 % à 20 %, offrant souvent le transport en prime, les galeries de second marché affichaient des prix aussi irréalistes qu’obsolètes. On s’étonnait ainsi de voir chez L & M (New York) un Anselm Reyle à 380 000 dollars (295 000 euros)… L’effet vases communicants entre la foire et les collections locales a encore fonctionné à plein. L’exposition très « cultural studies » des Rubell dédiée aux artistes afro-américains, et dont peu résistaient à la critique sortis d’un contexte racial, a mis en appétit certains amateurs. Le collectionneur belge Alain Servais a ainsi acquis une sculpture de Nick Cave chez Jack Shainman (New York). D’autres Belges furent actifs à l’image de Walter Vanhaerents, lequel a acheté Run Like Hell de Farhad Moshiri chez Emmanuel Perrotin (Paris) tandis que Marc Van Moerkerke se rabattait sur une sculpture d’Andrea Slominski chez Neu (Berlin). Rosa de la Cruz a enfin emporté un collage d’Arturo Herrera chez Max Hetzler (Berlin) et un tableau de Magnus Plessen chez Barbara Gladstone (New York, Bruxelles). « C’est business as usual, concluait la courtière Thea Westreich. Mais le business auquel on était habitué voilà quelques années, plus calme, rationnel et réfléchi. »

Les « off » sur mode pause

Certaines foires off ont compris qu’en temps de crise il fallait miser sur la qualité. Sur Pulse, on s’est attardé sur l’univers étrange de Chris Larson dont Magnus Müller (Berlin) offrait des photos et une vidéo. À NADA, la palme est revenue à Laurent Godin (Paris) avec une remarquable exposition tout en tiroirs de Scoli Acosta autour d’une petite ville du Kansas, dévastée par une tornade en 2007 et reconstruite selon une technologie écologique. Nonobstant la qualité, la plupart des marchands tiraient la langue. « C’est OK, mais plus difficile que l’an dernier. Les gens prennent plus de temps pour se décider. On a vendu 50 % de moins qu’en 2007 », confiait Adriaan Van der Have, de la galerie Torch (Amsterdam), exposant de Pulse. Si le monde de l’art contemporain descend de son petit nuage, celui du design n’a pas compris que l’ère du clinquant était révolue. Il y avait de quoi s’irriter sur Design Miami devant les constellations en diamant de Solange Azagury Partridge. Le prix de 2,8 millions de dollars exigé pour un lustre composé de 200 carats de diamants restait en travers de la gorge !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : La fin de l’arrogance

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