PARIS
« Paris avant-garde » et la collection Bénédicte Pesle chez Christie’s, « Modernités » et les collections Renand-Chapet et Oscar Mairlot chez Sotheby’s, « Repertorio Sottsass » et art urbain chez Artcurial… À l’instar des foires satellites, les maisons de ventes coordonnent leurs calendriers avec celui de la Fiac.
Grand-messe incontournable du marché international de l’art contemporain, la Fiac comptabilise chaque année, selon les organisateurs, 75 000 visiteurs. Profitant du flux de collectionneurs internationaux venus en nombre à Paris, c’est la maison britannique Christie’s qui a attaqué la première, en 2015, en adaptant son calendrier à celui de la manifestation, suivie l’année suivante par sa rivale Sotheby’s, pour renforcer la semaine de la Fiac. En 2017, jamais autant de ventes ne se sont déroulées en marge de la foire, générant environ 120 millions d’euros au total pour des dispersions de haut vol : Grande Femme II d’Alberto Giacometti est partie pour 24,9 millions d’euros chez Christie’s, devenant l’œuvre la plus chère de l’année en France, tandis que Jim Crow, adjugée 15 millions d’euros, établissait un record pour une œuvre de Jean-Michel Basquiat en France.
Selon le rapport Art Basel et UBS 2018, Paris représente seulement 7 % du marché mondial (contre 40 % pour New York et 20 % pour Londres). « Il est donc nécessaire de créer un écosystème vertueux qui rassemble tous les acteurs et qui renforce l’attractivité de la place », explique Édouard Boccon-Gibod, directeur de Christie’s France. Pour la maison britannique, dont les montants d’adjudications des ventes sur l’année 2017 en France s’élèvent à 275 millions d’euros, les recettes récoltées pendant la semaine de la Fiac sont, avec 88,5 millions d’euros, considérables. Les mêmes dispersions ne susciteraient probablement pas un tel engouement à une autre date car, commente Édouard Boccon-Gibod, « il y a une compétition effroyable et effrayante d’événements pendant l’année : Art Basel, Art Basel Miami, Hong Kong, Frieze, Fiac, Tefaf, Tefaf NY, etc. ». Quant à une éventuelle saturation du marché, le directeur rétorque que, « plus il y a d’offres, plus il y a d’acheteurs potentiels. Les collectionneurs internationaux viennent seulement deux ou trois jours à Paris. Meilleure est l’offre, mieux se porte le marché, nous l’avons constaté très clairement avec le salon du dessin qui a généré une semaine du dessin. Paris est devenu la deuxième place du marché d’œuvres sur papier aujourd’hui. »
En 2013 et en 2014, la maison française Artcurial, troisième maison de ventes aux enchères en France, derrière le duopole Christie’s et Sotheby’s, proposait, elle, des ventes d’art contemporain pendant la Fiac. Mais, observe Fabien Naudan, vice-président d’Artcurial, « il y avait une saturation du marché et une confrontation forte entre le premier et le second marché. Il est compliqué de faire cohabiter au même moment les prix sur certains artistes. » Après cet échec, la maison a donc mis en place une nouvelle recette miracle, en proposant depuis 2014 une offre complémentaire à celle de la Fiac : des ventes de vingt lots de design quelques jours après la manifestation. Il s’agit de « ventes singulières, avec une offre extrêmement resserrée. Une façon de reconnaître qu’aujourd’hui il est très compliqué de faire une vente de qualité avec 70 ou 80 lots, surtout dans un domaine particulier », explique le vice-président. Depuis, chacune de ces vacations rencontre, chez Artcurial, un succès total avec 100 % des lots adjugés.
Cette année, s’ajoute à la vente de design une vente d’art urbain provenant d’une collection privée. S’insérer pendant la Fiac apporte essentiellement une image de prestige à Artcurial, pour qui le chiffre d’affaires récolté demeure marginal – la plus importante part de leur recette se fait sur la seconde quinzaine du mois de novembre et la première semaine du mois de décembre.
Mais de quel œil la Fiac voit-elle cette augmentation du nombre de ventes ? « C’est flatteur, déclare Jennifer Flay, directrice de la foire. Nous avons réussi à créer un moment de rassemblement à Paris. » Cependant, cette augmentation ne bénéficie pas toujours aux galeries qui se retrouvent parfois « en concurrence directe avec les maisons de ventes aux enchères ». Jennifer Flay reconnaît une forme « d’opportunisme, mais pas plus que pour les foires satellites » qui se sont également multipliées autour de la Fiac (Art Élysées, Outsider Art Fair, Paris International, Asian Now...). « C’est un cercle vertueux, nous sommes très sollicités, mais nous ne donnons pas des lots de cent badges à Christie’s ou Sotheby’s. En revanche, ils nous transmettent leurs contacts, pour qu’il y ait des retombées directes pour nos galeries », explique Jennifer Flay.
À l’étranger, les stratégies diffèrent. À Londres, en 2017, les dispersions pendant les foires de Frieze, dédiée à l’art contemporain, et Frieze Master, consacrée à l’art moderne et ancien, ont rapporté environ 245 millions d’euros. « Avec un marché vraiment internationalisé, nous ne constatons pas une grande disparité géographique quand nous organisons des ventes pendant la semaine de Frieze », commente Cheyenne Westphal, présidente de la maison de ventes Phillips spécialisée en art moderne et contemporain, mais « nous tirons profit du coup de projecteur donné sur le monde de l’art pendant cette brève période ».
La différence réside davantage dans l’offre. Londres propose des ventes d’art plus contemporain. « Nos ventes ne sont pas expressément associées aux œuvres présentées pendant Frieze, mais plutôt aux tendances plus générales qui peuvent être vues à travers les différents lieux de la manifestation. Pendant Frieze, nous nous intéressons précisément aux catégories art d’après-guerre et art contemporain », conclut la présidente. À New York, poumon du marché de l’art international, c’est la foire d’art contemporain Frieze qui s’est installée au début du mois de mai, deux semaines en amont des grandes ventes aux enchères. « Le pouvoir du marché à New York est tel que Christie’s n’a pas besoin de se greffer à un événement. La vente crée l’événement, comme en témoigne celle du Salvator Mundi de Léonard de Vinci l’an dernier, ou la vente Rockefeller », conclut Édouard Boccon-Gibod.
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La Fiac, une aubaine pour les maisons de ventes ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°716 du 1 octobre 2018, avec le titre suivant : La Fiac, une aubaine pour les maisons de ventes ?