Le droit de critique tout comme le droit à la polémique n’existent pas en tant que tels. Il s’agit tout au plus d’une tolérance traditionnelle que la jurisprudence reconnaît notamment au profit des commentaires d’œuvres. À ce titre, les magistrats peuvent admettre que les critiques soient parfois vives.
Les juridictions ont toutefois depuis longtemps souligné que cette tolérance ne peut permettre de s’affranchir totalement des règles draconiennes qui président au droit de l’information.
Les juges ont, à de nombreuses reprises, rappelé que la critique doit en particulier rester objective, c’est-à-dire qu’elle doit être « émise en termes qui peuvent être sévères mais qui doivent toujours demeurer corrects et dépourvus d’intentions malveillantes et [qu’] elle ne dégénère pas en dénigrement injurieux de la personne de l’auteur et de ses actions ». Daniel Buren avait ainsi attaqué en justice une journaliste du Figaro qui avait titré à propos des fameuses colonnes : « Comment s’en débarrasser ? »
La cour d’appel de Paris a estimé, le 30 novembre 1988, que « Mme Friang n’avait fait qu’exprimer son sentiment à l’égard de l’œuvre visée, sans que pour autant il comportât une atteinte de caractère malveillant dirigée contre la personne de l’artiste et que son appel à la destruction de l’œuvre devait être perçu sur le mode ironique dont elle avait adopté le ton ». Les magistrats avaient également souligné le « contexte polémique ayant entouré la mise en place de cette œuvre ». Il a déjà été jugé à de nombreuses reprises que la critique est libre tant qu’elle ne met pas en cause la personnalité de l’auteur lui-même, mais aussi sa considération professionnelle et sa probité. Par ailleurs, si la critique s’accompagne d’une reproduction de l’œuvre sans autorisation préalable de l’artiste, celui-ci peut user de son droit d’auteur...
Les citations d’œuvres d’art sont en effet désormais presque totalement prohibées par les tribunaux.
Ils considèrent en effet que la reproduction intégrale d’un tableau, même en petit format, ne peut constituer une « courte citation ».
À l’inverse, il y a dénaturation illicite de la toile, et donc atteinte au droit moral de son auteur, lorsque n’en est reproduite qu’un détail. La jurisprudence semble aujourd’hui réserver le droit de citation aux seules œuvres littéraires.
Seuls les catalogues de ventes d’œuvres d’art bénéficient depuis 1997 d’une exception légale, visée par le code de la propriété intellectuelle. Le problème avait déjà été débattu, le 19 mars 1926,
à l’occasion de la publication d’un livre sur Rodin. L’éditeur avait eu gain de cause.
En revanche, la jurisprudence a toujours admis l’application pleine et entière aux critiques des dispositions légales sur le droit de réponse et de rectification, qui est ouvert à toute personne mentionnée dans un article qu’il soit défavorable, neutre, voire élogieux. Il a même été souligné que « le droit de réponse n’est pas la sanction d’une critique fautive et partisane », mais le simple exercice d’une prérogative légale. Le risque est évidemment important pour les organes de presse de se retrouver envahis par des droits de réponse et de rectification intempestifs de la part des artistes ou même de leurs galeristes, voire des conservateurs de musée ou des commissaires d’exposition. Les réformateurs des lois sur la presse avaient, en 1919, évoqué en vain la possibilité d’exclure du droit de réponse ceux qui avaient sollicité une critique de leurs travaux...
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Jusqu’où peut aller la critique d’art ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Jusqu’où peut aller la critique d’art ?