Collectionneurs

Jean-Claude Mosconi, pour l’amour de l’art

Par Amélie Adamo · L'ŒIL

Le 4 septembre 2023 - 1005 mots

Collectionneur amoureux, ami fidèle des artistes, Jean-Claude Mosconi nous livre l’origine de sa passion pour l’art vivant. Collectionner pour lui ? Une affaire de cœur.

Comment sont nés votre passion pour l’art et votre désir de collectionner ?

Pour faire court, je reprendrai une expression qui, je crois, a déjà été utilisée par un collectionneur : je suis rentré dans l’art par effraction. C’était dans les années 1980, j’étais alors le directeur de la communication de General Motors, au siège d’Argenteuil. À l’occasion d’une invitation pour l’inauguration de la mise à l’eau de la réplique du bateau qu’utilisait Claude Monet pour réaliser certaines de ses toiles, j’ai rencontré le peintre Olivier Debré (1920-1999). À cette époque, le monde de l’art m’était inconnu. Fils d’immigré italien, ma seule référence, portée de génération en génération, du plus pauvre au plus riche habitant dans mon petit village des Marches, était Raffaello Sanzio, célèbre peintre de la Renaissance, né à Urbino, berceau de ma famille.Dès ma rencontre avec Olivier Debré, quelque chose d’exceptionnel est né. Comme un flocon de neige devient une boule de neige et la boule de neige une montagne de neige, il m’a fait découvrir l’art. À partir de cette période j’ai lu, j’ai regardé, j’ai rencontré, j’ai visité, en suivant les conseils d’Olivier Debré et d’Alberto Cont, un de ses anciens élèves aux Beaux-Arts de Paris. Alberto n’a eu de cesse de m’aiguiller, de m’expliquer et me faire comprendre ce monde fascinant de l’art. J’ai alors très vite mesuré que je ne pourrais jamais acquérir un Piero della Francesca (1412-1492), mais qu’il m’était possible d’initier une collection avec des artistes contemporains.

Qu’est-ce qui vous conduit à acheter une œuvre ?

Le tableau doit m’interpeller, me parler, m’étonner, me bousculer, me surprendre. Je me fie souvent à une réaction que j’ai parfois lors de foires : je passe devant une œuvre, marque un temps d’arrêt, puis poursuis ma visite. Après quelques minutes, j’ai besoin de retourner voir l’œuvre. La retrouver. La revoir. C’est souvent un signe avant-coureur d’achat.

Une œuvre « forte », c’est quoi pour vous ?

C’est une œuvre qui vous « scotche » au premier regard. Vous êtes foudroyé. Vous êtes KO debout. Sans voix. Elle est figurative ou abstraite. En tous cas, elle est différente. Elle n’est pas forcément belle. Elle peut même laisser indifférent un autre collectionneur. Elle doit vous donner un frisson, et aussi un sourire en pensant au regard interrogatif de votre épouse, de vos amis ou amies, dont la première réaction sera de vous demander : mais c’est quoi, ça ?

Y a-t-il un fil rouge qui sous-tend votre collection, un lien qui unit les artistes que vous collectionnez ?

Non. Cependant, je suis très attentif à la figuration, même si je collectionne aussi de l’abstraction. J’ai souvent été gentiment moqué pour mes choix. Cela me laisse de glace. Je ne suis pas un collectionneur qui suit les modes de passage. J’ai besoin de vivre une œuvre, de la comprendre, même si elle va dans le sens contraire de ce qui est dans le vent. En disant cela, je me rappelle cette très belle phrase de Jean Guitton : « Être dans le vent, c’est avoir le destin des feuilles mortes. » Y a-t-il une chose qui réunit mes amis ? Oui, l’amitié. J’aime les artistes. J’aime leur monde. Ils sont mes amis. Je les écoute. C’est comme une sorte de fratrie. Ils m’éclairent. Ils m’apprennent. Ils sont uniques. Rares, très rares sont ceux qui me laissent indifférents. J’aime les artistes car ils voient et sentent des choses que nous ne découvrirons qu’ultérieurement. Un collectionneur dont j’ai oublié le nom a dit en parlant des artistes : « Ils pensent avec dix minutes d’avance sur nous. » C’est vrai. Ils voient souvent ce que nous ne voyons pas, et ils le partagent avec moi.

Que veut dire « collectionner » selon vous ?

C’est le contraire d’entasser. C’est la traduction de l’évolution de mon regard au cours des années passées. C’est la présence dans ma collection d’artistes que j’aime, mais que je ne peux plus suivre pour des raisons budgétaires. Ils n’en demeurent pas moins des amis très proches, que je suis toujours avec passion. Je suis le contraire d’un bon collectionneur. Je n’ai jamais revendu un tableau. C’est trop difficile pour moi.

Organisez-vous aussi parfois des expositions autour de ces artistes que vous suivez ?

Ce n’est pas une chose que je fais régulièrement. Pour cet été, j’ai organisé une exposition à Pernes-les-Fontaines, près d’Avignon, avec l’aide de monsieur le curé et de la mairie. Cela a lieu dans l’abbatiale Notre-Dame-de-Nazareth, une église du XIIe siècle. Y sont exposées une dizaine d’œuvres d’Axel Pahlavi, un peintre que j’aime beaucoup. Un artiste magnifique. Axel avait déjà fait une exposition identique, l’an dernier, dans une église de Nice. Celle-ci, à Pernes, est visible jusqu’au 17 septembre.

Jean-Claude Mosconi en bref
 
1946
Naît à Puteaux (92)
1965
Diplômé de L’ESJ Paris et de l’EHESS
1980
Directeur de la communication de Valeo
1988
Directeur de la communication d’Opel France
1999
Directeur des salons automobiles de General Motors
2007-2019
Directeur du patrimoine culturel d’Unicredit, la première banque italienne

Une passion partagée en couple 

Depuis de nombreuses années, Jean-Claude Mosconi partage sa passion de l’art vivant avec son épouse Nina, aux côtés de laquelle il a construit une importante collection d’œuvres contemporaines. Cet amour, ils le partagent avec d’autres, initiant plusieurs clubs d’amateurs et de collectionneurs, incitant leurs amis à se lancer dans l’acquisition d’œuvres d’artistes d’aujourd’hui. Bien que très attachés à la peinture, majoritairement figurative, leurs choix demeurent très éclectiques et libres. Ce dont témoignait la belle exposition qui leur fut consacrée à la Fondation Zervos, à Vézelay (89), en 2019. Pour des raisons budgétaires, ils s’attachent plutôt à des créateurs en début de carrière, au moment où leurs œuvres sont encore abordables.

 

Dans leur collection :

trois générations sont mêlées, d’Alberto Cont à Rémi Blanchard, Catherine Viollet ou Djamel Tatah, de Ronan Barrot, Stéphane Pencréac’h, Jérome Zonder, Gregory Forstner, Axel Pahlavi, Florence Obrecht à Claire Tabouret ou Giulia Andreani.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°767 du 1 septembre 2023, avec le titre suivant : Jean-Claude Mosconi, pour l’amour de l’art

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