PARIS
De New York à Berlin, le galeriste américain s’est révélé être un véritable promoteur de la photographie. Il promène toujours un regard bienveillant et curieux malgré la vente de sa galerie l’an dernier.
En 2012, le Musée de l’Élysée à Lausanne exposait la collection de photographies d’Howard Greenberg. Le célèbre galeriste new-yorkais dévoilait pour la première fois 120 des 500 photographies de sa collection, véritable livre ouvert sur l’histoire de la photographie américaine du XXe siècle, de Jacob Riis à Sally Mann. L’exposition avait ensuite rejoint la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris, coproductrice de l’événement. Interrogé rétrospectivement sur les raisons de cette exposition en Europe et non aux États-Unis, Sam Stourdzé, directeur à l’époque du Musée de l’Élysée, évoque « leurs liens noués depuis la rétrospective Jessica Lange à Paris, à l’hôtel de Sully, en 1997, et leurs collaborations multiples menées par la suite, (…) le côté très pragmatique aussi des musées américains qui ne montrent des collections privées que si elles sont accompagnées de dons ou d’un achat de la collection ». « La collection n’était alors pas à vendre », précise Sam Stourdzé. Une proposition d’achat fut toutefois proposée par le Musée de L’Élysée qui, faute d’avoir pu réunir la somme nécessaire, dut y renoncer.
À compter du 8 mars prochain, c’est au tour d’une centaine de photographies, issues cette fois-ci des 30 000 du stock du galeriste, d’alimenter l’histoire racontée par Anne Morin au Centre d’art Campredon à l’Isle-sur-la Sorgue. La directrice de diChroma photographie, société spécialisée dans la conception et l’itinérance d’expositions en Europe, collabore depuis 2010 avec Howard Greenberg. En ces lieux, et ailleurs en France, elle a déjà présenté Jessica Lange, Berenice Abbott et Vivian Maier, dont elle a l’exclusivité pour le circuit muséal en Europe avec trois sets différents construits à partir des archives de la photographe américaine détenues par John Maloof et commercialisées par Howard Greenberg. « Après près de dix ans de collaboration, il me semblait important de rendre hommage à un des galeristes photos les plus importants », répond Anne Morin quand on l’interroge sur les raisons aujourd’hui de cette exposition.
La réputation d’Howard Greenberg en Amérique et en Europe s’est bâtie sur sa capacité à soutenir, découvrir, ressusciter nombre de photographes américains des années 1930-1970, devenus depuis des légendes, tel Saul Leiter récemment. Des deux côtés de l’Atlantique, d’aucuns s’accordent à le considérer comme un acteur fondamental dans le rayonnement de la photographie américaine du XXe siècle et le positionnement de plusieurs de ses auteurs dans l’histoire du médium, comme dans l’établissement, puis le développement du prix de leurs tirages sur le marché.
Ses relations avec l’Europe remontent à longtemps. « J’y fais des affaires depuis près de trente cinq ans, la plupart en France, quelques-unes à Londres et plus récemment à Art Basel », précise le galeriste porté dès le début par l’intérêt des Européens pour la photographie américaine. De fait, ce photographe de formation, né à Brooklyn à New York en 1948, fondateur du Center for Photography à Woodstock en 1977 et créateur en 1981 à New York de la Howard Greenberg Gallery, a noué très tôt des relations transatlantiques, encouragé dans son entreprise par le marchand et collectionneur américain Harry Lunn (1933-1998), artisan majeur de la création du marché de la photographie entre les États-Unis et l’Europe, et soutien de la première heure de Rik Gadella dans la création de Paris Photo.
Howard Greenberg le reconnaît : « Harry Lunn a joué un rôle dans le développement de ma carrière. C’était une personne compliquée, mais fut pour moi un ami généreux, un mentor. Il m’a confié d’importantes photographies. Cela m’a offert de nombreuses opportunités, que je n’aurais pas eues autrement. À l’époque, je ne venais pas souvent en Europe, il m’a incité à participer à Art Basel et à Paris Photo [NDLR Howard Greenberg participera à la deuxième édition de la foire en 1998]. Il m’a présenté aux conservateurs, à d’autres marchands et même à des collectionneurs. » Depuis, Howard Greenberg est rentré dans le jury de Paris Photo et compte parmi les rares marchands de photos sélectionnés pour participer à Art Basel. « Un temps, j’ai pensé ouvrir un bureau à Paris, pas une galerie. Robert Delpire m’avait approché pour collaborer avec lui », raconte-t-il. « Bien que ce fut tentant, j’ai préféré continuer à travailler en étroite collaboration avec des galeries existantes plutôt que d’agrandir la mienne à New York. » Ses partenaires ont été multiples. Il travaille aujourd’hui avec Les Douches, Camera Obscura, In Camera et Polka à Paris ; Kicken et Springer à Berlin ; Fifty One Gallery à Anvers ; et Michael Hoppen, Hamiltons et Huxley-Parlour à Londres. La relation privilégiée entretenue avec la galerie Kicken est née de l’amitié personnelle avec ses fondateurs Rudolf et Annette Kicken ; de « notre passion commune pour la photographie moderne tchèque et des avant-gardes européennes de la période moderniste », poursuit-il. À New York, la Howard Greenberg Gallery se fait le relais de William Klein, Sarah Moon, Jungjin Lee, Harry Gruyaert et plus récemment Alex Majoli, actuellement à l’affiche du BAL, institution proche du galeriste comme la Fondation Henri Cartier-Bresson, où fut présentée pour la première fois en Europe Saul Leiter. Comme le dit Agnès Sire, jusqu’à peu directrice de la Fondation, « Howard Greenberg est ce que l’on appelle un “helpful” toujours prêt à vous aider, vous soutenir dans vos entreprises et à vous donner accès aux réserves impressionnantes de la galerie ». Dès ses débuts à Woodstock, il est plus qu’un marchand photo, il endosse aussi la casquette de conservateur, en achetant des fonds complets de photographes américains – y compris les mauvaises photos – pour comprendre la carrière d’un photographe, soutenir des travaux de recherche et des publications.
Depuis quelque temps, Howard Greenberg partage son temps entre New York et Berlin. Il a vendu l’an dernier sa collection de photographies au Museum of fine Arts de Boston et cédé sa galerie à ses employés afin « qu’elle [lui] survive », explique-t-il. « Ce transfert m’a semblé être le meilleur moyen pour poursuivre la vision de la galerie depuis ses débuts et me permettre de poursuivre mon travail différemment. Je suis toujours ouvert à de nouveaux projets intéressants. Être basé à Berlin me fait découvrir des photographes que je ne connaissais pas auparavant. » Pour autant, il précise que « la véritable opportunité qu’offre cette nouvelle résidence est de voyager plus souvent dans d’autres villes européennes, afin de maintenir et d’améliorer les relations existantes ou d’en créer de nouvelles ». On ne se refait pas.
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Howard Greenberg, le parrain de la photographie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°518 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Howard Greenberg, le parrain de la photographie