Art Basel Miami Beach a gagné en qualité dans un contexte de plus en plus décadent
où les grandes collections locales jouent le rôle de caisse de résonance.
MIAMI BEACH - Est-il possible de dissocier la foire d’art contemporain Art Basel Miami Beach (1er-4 décembre) de son ambiance proche des jeux du cirque ? Le distinguo se révèle pourtant nécessaire, car l’événement en lui-même vaut mieux que la débauche de soirées parfois décadentes et de foires satellites qu’elle a générée depuis quatre ans.
Tournant le dos à l’esbroufe, Art Basel Miami Beach s’est cette année plus que jamais rapprochée de la foire souche de Bâle. Il n’est qu’à voir la qualité des œuvres, comme le film Nemo de William Kentridge, Deborah Bell et Robert Hodgins, accompagné de son décor, acquis par une collection privée européenne (250 000 dollars, environ 213 260 euros) à la Goodman Gallery (Johannesburg). Ou encore le magasin de vitrier de Leandro Erlich, jouant sur l’illusion optique, acheté chez Benzacar (Buenos Aires) pour 150 000 dollars par le collectionneur italo-américain Robert J. Tomei. Le travail gothique de Petah Coyne a joui d’un certain succès chez Lelong (Paris), lequel a vendu une sculpture (85 000 dollars) à l’éditeur américain Si Newhouse. Si le contemporain a parfois flirté avec le décoratif, à grands renforts de lustres en verre dessinés par des artistes, la section moderne a brillé par son exigence.
« Art Positions » en baisse
Ce sursaut qualitatif n’a pas poussé jusqu’aux conteneurs d’« Art Positions », dont le concept semble avoir fait long feu. La section manquait de coffre, hormis quelques projets comme le conteneur aplati de Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla (45 000 dollars) – vendu par Punto Gris (San Juan) à un collectionneur portoricain –, la mécanique low-tech d’Ian Burns chez Spencer Brownstone (New York) ou l’installation Evils de Vuk Vidor chez Valérie Cueto (Paris). Dilués dans le paysage, les projets extérieurs ont péché par manque de lisibilité. Un collectionneur suisse a toutefois repéré et acheté l’avion compressé d’Adel Abdessemed présenté par Kamel Mennour (Paris).
L’excès et l’urgence
L’Amérique est un pays de cocagne, mais les jeunes artistes en vogue ne sortent pas gagnants à tous les coups. L’avant-dernier jour de la foire, un tableau d’Eberhard Havekost, star des ventes de Londres en octobre, était encore disponible pour 38 000 dollars chez Gebr. Lehmann (Dresde). « On vend très bien, mais c’est moins hystérique que l’an dernier », nous a confié Claudia Milic, de la galerie Sprüth/Magers/Lee (Londres). D’ailleurs, comme sur la foire Frieze à Londres, certaines transactions ont été annulées en cours de route. À la décharge des acheteurs versatiles, le foisonnement des foires de Miami fait perdre la raison. Difficile de garder la tête froide dans un banquet artistique à mi-chemin entre le Satiricon de Fellini et les photographies du supermarché 99 Cent d’Andreas Gursky.
L’abondance, l’excès, l’urgence de la nouveauté : voilà bien l’image d’une Amérique en miniature. Où est donc le goût de l’art dans tout cela ? Certains l’ont cherché sur le stand du magazine Visionaire. Celui-ci proposait pour 175 dollars une boîte de vingt-cinq petits films gustatifs réalisés par des artistes pour illustrer des thèmes comme la luxure, l’adrénaline ou la culpabilité. L’art, selon Thomas Demand, aurait le goût du scotch adhésif. Une saveur plutôt plate !
- Nombre de visiteurs : 36 000 - Prochaine édition : 7-10 décembre 2006
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Frenzy Miami
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Abonnez-vous dès 1 €Parler de ligatures entre les collections locales et la foire Art Basel Miami Beach relève presque d’un truisme. Difficile de ne pas imaginer de courroies de transmission entre la salle que la collectionneuse Rosa de la Cruz a dédiée au Canadien John Pylypchuk et sa présence soutenue sur le stand d’Alison Jacques (Londres). Cette dernière a vendu dès le vernissage une œuvre de l’artiste pour 18 000 dollars. Pour le même prix, Barbara Gladstone (New York) a cédé un portrait par Andro Wekua. Étrangement, une toile presque jumelle était à l’affiche du one-man show que les Rubell ont consacré au jeune artiste géorgien. Le couple a aussi mis en avant la jeune peintre allemande Andrea Lehmann, découverte l’an dernier sur la foire parallèle Scope. Grâce à ce coup de projecteur, la galerie Anna Klinkhammer (Düsseldorf) a cédé, sur Scope, un grand tableau de l’artiste pour 15 000 euros. Après avoir valorisé – dans tous les sens du terme – les artistes de l’école de Leipzig en 2004, les Rubell ont misé cette année sur des chevaux polonais. Le panorama comptait notamment une œuvre de Pavel Althamer, rapportée de Frieze en octobre (25 000 euros), ainsi qu’une belle peinture de buée de Zbigniew Rogalski. D’après la galerie Raster (Varsovie), celle-ci valait 3 000 euros il y a deux ans. Profitant des feux des Rubell, cette enseigne a vendu les trois dernières peintures de Rogalski pour 9 000 euros sur une autre petite foire satellite, NADA.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°227 du 16 décembre 2005, avec le titre suivant : Frenzy Miami