« Feature » et « Statements », lieux de (re)découvertes

Bâle. « Feature » est pour la foire Art Basel une section commode, qui permet d’y convier des galeries de qualité que la foire ne peut faire entrer dans son secteur général, tout en opérant de fréquentes rotations. Mais pour les amateurs, c’est aussi dans ces allées-là que peuvent se dénicher des perles, sur des stands dont les projets se doivent d’être scrupuleux et de présenter des œuvres de premier ordre. Le visiteur y est rarement déçu.

Forte de ses 32 participants, « Feature » garde une taille identique à celle de l’année dernière, et ce sont des projets faisant la part belle à des artistes un peu (voire complètement) oubliés qui attirent en premier lieu l’attention, de même que les focus sur des artistes rares. Robert Ryman est de ceux-là. Non que la présence de ses œuvres sur les foires soit exceptionnelle, mais elle se fait habituellement de manière diluée, par quelques pièces apparaissant ici ou là. Cette année, Peter Blum (New York) lui consacre la totalité de son stand, avec pour l’essentiel des travaux anciens. Sans divulguer trop de détails sur les œuvres elles-mêmes, la galerie dit vouloir montrer de l’artiste une diversité de pratiques, à la fois picturales et graphiques, ainsi que l’usage de supports variés. Autre adepte du blanc, Piero Manzoni sera présent sur le stand de Mazzoleni Art (Londres), avec des « Achromes » ainsi que quelques pièces de sa série des « Linee », déclinant une simple ligne dessinée sur un papier roulé enfermé dans un tube.

Au rang des artistes oubliés, Margot Bergman est à voir chez Corbett vs Dempsey (Chicago), qui déploie vingt ans de travail. Née en 1934 et active depuis la fin des années 1950, elle a développé une peinture constituée pour l’essentiel de deux corps de travaux : des portraits «  latents » et aux sentiments contrastés qui émergent sur des tableaux chinés ; de féroces peintures néo-expressionnistes peuplées de créatures étranges dans des paysages qui ne le sont pas moins. Le tout compose des images d’une complexité teintée de gravité.

Chez Kalfayan Galleries (Athènes), c’est une figure essentielle de l’art grec d’après guerre, Vlassis Caniaris (1928-2011), qui est mis à l’honneur ; ses travaux évoquent une forme singulière de l’Arte povera dans laquelle apparaît la figure au sein de débris domestiques et d’objets trouvés. Des œuvres qui trouvent un écho dans l’actualité puisqu’ils ont souvent pour toile de fond des problématiques liées à l’immigration.

Leila Heller (New York) annonce une série de poubelles d’Arman datées des années 1970, tandis que Marcelle Alix (Paris) propose une belle série de sculptures murales récentes de la Canadienne Liz Magor, composées d’objets trouvés adjoints à des parois qui semblent être en carton mais sont en fait exécutées en matière polymérisée ; des œuvres qui toujours déjouent impressions et certitudes.
Deborah Schamoni (Munich) exposera la Franco-Argentine Lea Lublin (1929), avec des œuvres couvrant trois décennies qui abordent la déconstruction de l’imagerie artistique d’un point de vue féministe et psychanalytique, ainsi que l’usage du dialogue comme forme artistique. Chez Bergamin & Gomide (São Paulo), on se focalise sur des œuvres séminales d’Hélio Oiticica, datées entre 1955 et 1964, expérimentations abstraites fondées sur la couleur et la sortie du plan afin de se confronter à l’espace, comme dans ce Spatial Relief suspendu daté de 1959.

Dans « Statements » : hybridation, télescopages…
Au nombre de dix-huit, les jeunes pousses réunies dans le secteur « Statements » avancent des propositions énergiques. Sur le stand d’Antenna Space (Shanghaï), Guan Xiao propose un curieux paysage hybride, entre humanité et science-fiction. Ses installations toujours visuellement marquantes sont composées d’éléments fort disparates ; usant de télescopages audacieux de formes et d’objets, elle évoque la transformation de l’environnement urbain par les bouleversements économiques et technologiques, et la manière dont formes et images participent de la compréhension du monde.

Chez ChertLüdde (Berlin), Zora Mann, née au Royaume-Uni de parents originaires d’Ouganda et du Kenya, et qui fut un temps mannequin pour des marques prestigieuses avant d’étudier l’art, revient sur son passé agité à l’aide d’une peinture psychédélique couvrant entièrement les murs du stand. L’ensemble se présente comme un portrait fragmenté fait d’éléments corporels et de motifs géométriques.

Sous des formes différentes, ce sont toutes deux à des explorations du quotidien que se livrent Maha Maamoun (Gypsum, Le Caire) et Cécile B. Evans (Emanuel Layr, Vienne). La première avec des photos témoignant de l’abondance de prières punaisées aux murs des offices notariaux cairotes, tandis que, dans une installation vidéo conçue comme une série télévisée, la seconde met en scène les relations entre un architecte et les occupants d’un ensemble résidentiel.