En abandonnant le département des tableaux anciens de l’antenne française de la maison britannique, Étienne Bréton explore un domaine peu développé en France, celui du conseil en achat et en vente de tableaux.
PARIS - C’est pour suivre ce qu’il appelle "une troisième voie" dans le marché de l’art – ni marchand, ni commissaire-priseur, mais conseil –, que Étienne Bréton, trente-quatre ans, déménage du numéro 3 au numéro 11 de la rue Miromesnil. Directeur du département des tableaux anciens de Sotheby’s pendant huit ans, Étienne Bréton travaillera désormais au cabinet d’expertise fondé en 1987 par Marc Blondeau, lui-même un ancien de la maison britannique et spécialiste de tableaux du XIXe siècle, impressionnistes et modernes. Il y rejoint l’autre expert de la maison, Philippe Ségalot, qui s’occupe, depuis 1991, d’art contemporain.
"Chez Sotheby’s, j’étais chargé de vendre. Maintenant je serai chargé de sélectionner des œuvres vraiment intéressantes et d’en analyser la valeur esthétique et financière pour des clients dont je connais les collections. Il y a beaucoup de bons achats à faire et beaucoup de pièges à éviter sur le marché de l’art. Les amateurs n’ont pas besoin de nous pour acheter un Boudin ou un tableau flamand du XVIIe siècle. Mais chacun de nous étant très spécialisé, nous pouvons les aider à choisir des choses rares, des pièces de grande qualité et de grand intérêt, qui ne sont pas nécessairement des pièces chères."
Étienne Bréton conseillera également des clients qui auront des tableaux à vendre : "Certains clients voudront vendre tout de suite, tandis que d’autres seront prêts à attendre plus longtemps. D’aucuns désirent entourer leur démarche de beaucoup de discrétion, d’autres ne craignent pas la publicité. C’est en fonction de ce genre de critères – ainsi, évidemment, que de la nature du tableau –, que nous agirons pour choisir le moyen le plus approprié de mettre chaque œuvre sur le marché. Nous ne sommes pas juge et partie, nous ne sommes ni experts de vente ni marchands, ce qui nous permet de donner un avis moins impliqué", nous a-t-il confié.
Marié et père de trois enfants, né dans une famille d’historiens, Étienne Breton a été embauché chez Sotheby’s – par Marc Blondeau – à l’âge de vingt-quatre ans, après avoir fait des études d’histoire de l’art à Paris I, et travaillé chez l’antiquaire Jean Gismondi, ainsi que chez l’expert en tableaux anciens Jacques Kantor. Son choix de carrière, dit-il, s’était fait avant même de passer le bac, grâce notamment aux conseils du commissaire-priseur parisien Claude Boisgirard, un ami proche de sa famille, et à l’exemple, marquant, du marchand François Heim.
"François Heim m’a terriblement impressionné le jour où il est venu à la maison – je devais avoir quinze ans à l’époque –, et a su identifier un tableau du peintre hollandais du XVIIe siècle, Thomas de Keyser, à dix mètres de distance ! Quant à Claude Boisgirard, il m’a même déconseillé de devenir commissaire-priseur. Il pensait qu’il valait mieux être expert, puisque, à son avis, le marché des tableaux anciens allait s’ouvrir."
"En France, on part souvent du point zéro, en examinant une toile dont on ignore tout. Les tableaux dans les collections allemandes et britanniques sont mieux étudiés. La France a connu beaucoup de révolutions et beaucoup de guerres, tout en étant un pays où la bourgeoisie, très riche, très étendue, et très collectionneuse, a été bien plus importante qu’ailleurs : en Angleterre, par exemple, la richesse a été répartie entre moins de mains."
Grand amateur de peinture italienne du XVIIe siècle, Étienne Bréton travaille avec Pascal Zuber, de la galerie de Staël, à un catalogue raisonné de l’artiste français Louis Léopold Boilly (1761-1845), dont l’œuvre, prolifique, se trouve dispersé dans de nombreuses collections privées en France. Mais existe-t-il un marché significatif pour les tableaux anciens en France ? Étienne Breton en est convaincu. "La bourgeoisie française reste très collectionneuse. Il y a un vrai désir d’acheter quelque chose à un moment de sa vie. Regardez le nombre de visiteurs à Drouot. Les choses ne s’y vendent pas nécessairement mieux, mais les gens vont voir, tout comme ils se pressent dans les expositions."
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Étienne Bréton, ex-Sotheby’s, expert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Étienne Bréton, ex-Sotheby’s, expert