L’événement des Temps Forts de Drouot-Montaigne, du 20 au 27 mai, succède à la folie de la vente Breton. La sélection d’objets d’art s’annonce d’un très bon niveau, grâce en particulier aux apports des professionnels de province, pour la première fois invités par l’hôtel des ventes. “L’union fait la force”? : une nouvelle stratégie qui devrait payer.
PARIS - Alors que les échos de la vente André Breton résonnent encore dans les couloirs et les salles de Drouot, la vie de l’hôtel des ventes a repris son cours avec son lot quotidien de drouille, ponctué de quelques vacations remarquables. Et tandis que se profile la saison des Temps Forts à Drouot-Montaigne, rassemblant pour quelques jours dans la salle de prestige de l’avenue Montaigne un florilège de chefs-d’œuvre à vendre dans les prochaines semaines à Paris, une question se pose : comment assurer panache et notoriété au temple des enchères parisiennes après avoir dispersé les souvenirs du pape du surréalisme ? D’autant plus que puiser dans les ressources naturelles des commissaires-priseurs rattachés à Drouot risque de ne plus suffire à la production de l’effet voulu. Pour cause, le paysage des ventes françaises a beaucoup évolué après la réforme de la profession. Les trois marteaux d’Artcurial, Francis Briest, Hervé Poulain et Rémy Le Fur, qui, chaque année apportaient leur lot de pièces de choix, ne sont plus de la fête, ayant à leur entière disposition pour des expositions prolongées les salles de l’hôtel Dassault du rond-point des Champs-Élysées.
La vente de la succession François Arp le 12 juin, l’ultime épisode d’une aventure artistico-judiciaire, va à nouveau placer Drouot sous les feux des projecteurs. En vedette sont annoncés Tête-nez, un relief de Jean Arp de 1925-1926 en carton peint polychrome découpé et troué, estimé 200 000-300 000 euros, et Torse et nombril, un relief de 1926 en carton peint polychrome, estimé 120 000-150 000 euros. La protagoniste de cette dispersion, la SVV Calmels-Cohen, est la même que pour la vente Breton. Mais si quelques œuvres de la collection Arp seront exposées en avant-première aux Temps Forts, elles ne rempliront pas à elles seules l’espace d’exposition. Aussi, après avoir longtemps joué la carte du protectionnisme, Drouot fait évoluer sa formule et ouvre à présent pour la première fois quelques portes à des intervenants habituellement “étrangers” à l’hôtel des ventes. Cette année seront accueillis des objets de sociétés de ventes de province. Ainsi un Nu au Cannet, une huile sur toile d’Henri Lebasque estimée 150 000-180 000 euros, un bureau Mazarin d’époque Louis XIV, estimé 50 000 euros, une tapisserie fine représentant Le Retour du marché, signée Werniers et estimée 60 000 euros, ainsi qu’une paire de fauteuils de Nogaret d’époque Louis XV, estimée 20 000 euros, seront montrés aux Temps Forts à Paris avant leur mise en vente à Nice, le 21 juin, à l’hôtel des ventes Nice Riviera par la SVV Wetterwald/Rannou-Cassegrain. Jean-Claude Anaf, commissaire-priseur à Lyon, a aussi été invité. Sa sélection parisienne porte sur un ensemble de pièces en ivoire sculptées en ronde bosse d’après l’antique, dont une Vénus nue debout ramenant d’une main le pan d’une draperie sur le bas de son ventre et tenant la pomme dans sa main droite, un travail français de la fin du XVIIe-début du XVIIIe siècle, estimé 25 000-30 000 euros, et inclut une Tapisserie d’alentours d’Aubusson estimée 45 000 euros, à décor de trois médaillons ovales figurant des scènes galantes ou pastorales dites “des amusements champêtres” d’après Huet ou Julliard, vers 1780-1790, et provenant d’un hôtel particulier de Bourg-Saint-Andéol. Ces lots seront ensuite proposés le 15 juin à l’hôtel des ventes de Lyon Brotteaux.
Rouillac attaque, Camard come back
Philippe Rouillac, commissaire-priseur au caractère bien trempé installé à Vendôme (Loir-et-Cher), sera également de la partie. Fier d’avoir détrôné la capitale avec son enchère record de France en 2002 pour le Portrait de George Washington (1782) par Charles Willson Peale, vendu 5,3 millions d’euros au château de Cheverny, il affichera à Drouot-Montaigne une autre œuvre particulièrement attractive pour le marché américain : une paire de gouaches sur vélin par Louis Nicolas van Blarenberghe (1716-1794), intitulées Le Siège de Yorktown et La Prise de Yorktown, signées et datées 1786, grâce auxquelles il entend bien faire parler de lui. Commandées en 1785 par le roi Louis XVI à l’artiste, puis données par le roi au comte de Rochambeau, elles sont depuis toujours restées dans la même famille à Paris. La paire sera proposée le 1er juin à l’orangerie du château de Cheverny, sur une estimation de 300 000 euros. S’estimant “le seul de la profession à réaliser une enchère de plus de 2 millions de francs chaque année depuis 1999”, Philippe Rouillac s’est lancé “un nouveau défi” avec ces œuvres.
La maison Camard offrira pour la première fois depuis longtemps une sélection de pièces issues de leur vente haut de gamme, programmée le 17 juin, à l’hôtel d’Évreux, place Vendôme, à Paris. Devenue persona non grata aux Temps Forts depuis que, fort de leur développement commercial, la société familiale avait quitté l’hôtel Drouot pour vendre ses plus belles marchandises dans un autre lieu de prestige parisien, les Camard font aujourd’hui leur come back, apportant une contribution non négligeable à l’exposition de l’avenue Montaigne avec quelques beaux exemples de la collection d’Art déco de Claudia et Karsten Greve. Citons notamment une rare coiffeuse en placage de sycomore et lame de métal polie estimée 100 000-120 000 euros, une paire de chauffeuses de boudoir en placage de sycomore estimée 25 000-30 000 euros ou encore une travailleuse en placage de sycomore estimée 50 000-60 000 euros, pièces uniques créées par Mallet-Stevens en 1931-1932 pour la villa Cavroix, à Croix (Nord).
D’autres pièces exceptionnelles de la vente du 17 juin, mais de provenances différentes, seront par ailleurs marquées par la signature de Ruhlmann, tels un secrétaire et un chiffonnier Francel en placage de bois de violette, estimés chacun 100 000 à 120 000 euros, et un tapis rond en haute laine dans un parfait état de conservation, estimé 100 000 euros. Le tout sera illuminé par un ensemble de miroirs de Line Vautrin. “Le changement de direction à Drouot y est pour beaucoup”, souligne Jean-Marcel Camard, satisfait d’exhiber ses trésors avenue Montaigne.
Exposition ouverte au public le 20 mai, 11h-17h, et du 22 au 27 mai, 11h-18h, 15 avenue Montaigne, 75008 Paris, tél. 01 48 00 20 80.
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Drouot évolue pour maintenir son niveau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : Drouot évolue pour maintenir son niveau