Si les perturbations liées aux mouvements sociaux ont découragé une partie des visiteurs, les collectionneurs fidèles étaient au rendez-vous.
Paris. Avec soixante-treize galeries (la majorité exposant dans le secteur principal et une quinzaine d’autres réparties dans les secteurs « Insight » et « Process »), la foire du dessin contemporain Drawing Now se positionne sur un format plus intimiste que la plupart des foires d’art. Mais ce sont quand même plus de 300 artistes et près de 2 000 œuvres qui étaient réunis au Carreau du Temple pour cette édition, témoignant de la vitalité du médium – au risque d’un effet de saturation pour les visiteurs. D’autant que la variété des styles est étourdissante d’un stand à l’autre, par exemple entre les personnages frontaux croqués par Julie Doucet, figure de la bande dessinée et de l’autofiction (galerie Anne Barrault, Paris) et l’imagerie féminine esquissée à l’aquarelle par la jeune artiste Stella Sujin (Backslash, Paris), ou entre les lignes étiques griffant la page blanche de Karoline Bröckel (Werner Klein, Cologne) et les scènes proliférantes de Marcos Carrasquer (galerie Polaris, Paris)… Sans compter que le support papier ne sert pas forcément de dénominateur commun aux œuvres, lesquelles s’aventurent parfois dans la troisième dimension, comme les rubans de Jean-Claude Ruggirello (galerie Papillon, Paris) ou les sculptures minimalistes en carbone et en fibre de verre de Sophie Coroller (galerie Wagner).
Pour davantage de lisibilité, les galeristes étaient invités à présenter un artiste en « focus » sur un tiers au moins de leur espace. Ainsi de la nouvelle série « Point rouge, ligne jaune » de Marine Wallon, expérimentations formelles autour du paysage, à laquelle Catherine Issert (Saint-Paul de Vence) avait accordé une bonne place. Ou des œuvres récentes de Gilgian Gelzer, geste énergique et palette solaire, mises en avant par la galerie Jean Fournier (Paris), qui se félicitait d’avoir vendu une grande pièce dès l’ouverture de la foire, ainsi qu’une autre de Jean Degottex et une de Claude Viallat. « Cette édition se passe mieux pour nous que la précédente. Peut-être parce que la foire se situe à nouveau cette année avant Art Paris, et aussi parce que notre gamme de prix commence cette fois-ci en dessous de mille euros », estimait Émilie Ovaere-Corthay. Cette accessibilité des prix contribue à l’attractivité du dessin contemporain, certains marchands faisant même l’effort d’être parfaitement transparents, comme Lelong & Co (Paris, New York), qui les affichaient sur ses cartels (de 3 000 euros pour les aquarelles lumineuses de la toute jeune Christine Safa à 6 000 euros pour un dessin d’Ernest Pignon Ernest sur le thème du spectacle équestre de Bartabas).
Pour séduire et rassurer encore davantage les amateurs, les noms d’artistes établis ne manquaient pas sur la foire, d’une sélection de pastels vibratoires de Daniel Dezeuze, un des fondateurs du mouvement Supports-Surfaces (galerie Templon, Paris, Bruxelles, New York), aux visions de l’enfer de Dante par Anne et Patrick Poirier (Galerie 8+4, Paris), des silhouettes juvéniles saisies par Françoise Pétrovitch (galerie Sémiose, Paris) aux expressions graphiques de Dan Miller, l’un des artistes bruts les plus reconnus (Creative Growth, Oakland). Parmi les solo shows remarquables, la galerie Berthet-Aittouarès avait consacré son stand à Vera Molnár, douairière d’un dessin informatique radical et sensible, tandis que dans un registre très différent, les gouaches de MC Mitou ceinturaient le stand de Claire Gastaud (Paris, Clermont-Ferrand), au milieu duquel rayonnait un grand « OUF » jubilatoire en mural, pastille rose sur fond bleu qui accueillait le public telle une énorme dragée euphorisante.
Malgré les mouvements sociaux, « les passionnés de dessin étaient au rendez-vous », affirme la Parisienne Aline Vidal, satisfaite que plusieurs œuvres graphiques d’Elika Hedayat ainsi que les inédits de Stéphane Thidet aient trouvé preneurs (dans une fourchette comprise entre 1 500 et 4 000 €). De nombreuses œuvres affichées avec des points rouges, comme le grand portrait au fusain de Nina Mae Fowler chez Suzanne Tarasieve, avaient fait l’objet d’une communication préalable auprès des habitués de la galerie et étaient vendues avant même d’être présentées. « Les collectionneurs de la galerie sont évidemment contents de recevoir en amont les informations sur les œuvres », expliquait Benoît Porcher de Semiose. Une anticipation d’autant plus nécessaire dans un contexte de mouvements sociaux peu favorable à la venue des visiteurs de région et de l’étranger, qui manquaient à la foire.
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Drawing Now, un succès malgré le contexte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : Drawing Now, un succès malgré le contexte