Émirats arabes unis - Foire & Salon

Art Dubaï

Des nouvelles des Émirats

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2009 - 765 mots

Bien que de très bonne qualité, la foire d’art contemporain de Dubaï n’a profité commercialement qu’aux galeries du Moyen-Orient.

DUBAÏ - À en croire la presse économique, Dubaï (Émirats arabes unis) serait à terre, frappée en son cœur par la crise économique. Pour preuve, les quelque 3 000 voitures abandonnées par leur propriétaire, l’hémorragie des expatriés britanniques et américains ou l’arrêt des projets immobiliers. « Certains prédisent que Dubaï pourrait faire faillite cette année avec une dette de 80 milliards de dollars », a même rapporté le magazine londonien The Evening Standard. Comme toutes les visions apocalyptiques, celle-ci a sa part d’exagération. « Dubaï est touchée, mais elle ne peut pas disparaître car la région a besoin d’un carrefour commercial. La confiance des Iraniens, qui y ont beaucoup investi, n’a pas failli », affirme Antonia Carver de la revue d’art new-yorkaise Bidoon. Les cas de censure exercés dans les pays voisins (lire l’encadré) et la multitude d’œuvres tournées vers les questions de labyrinthe, d’enfermement ou de suffocation lors de la Biennale de Sharjah suffisent à mesurer l’importance de Dubaï, laquelle, malgré ses excès et ses artifices, représente un bol d’oxygène pour les contrées limitrophes.

Découvertes palestiniennes
De fait, la foire Art Dubaï (18-21 mars) ne s’est pas ouverte dans la morosité que l’on pouvait redouter, malgré les défections de dernière minute comme celle d’Albion (Londres). Sans doute motivés par la tenue concomitante de la Biennale de Sharjah, pas moins de quatre-vingts groupes d’Amis de musées avaient fait le déplacement. La qualité de la foire a quant à elle fait un bond en avant tel que sa concurrente Art Paris Abou Dhabi, dont les dates ne sont toujours pas fixées, pourrait se faire du mauvais sang… Les découvertes palestiniennes étaient légion à la galerie Selma Feriani (Londres). L&M Arts (New York) avait pour sa part déployé un beau cabinet d’œuvres de Sam Francis et des tableaux méditatifs de Shirazeh Houshiary. Le public s’attardait aussi sur les installations de Ghada Amer ou les vidéos de Kutlug Ataman, tous deux pétris des questions de langage, chez Francesca Minini (Milan). Les œuvres à quatre mains de Shoja Azari et Shahram Karimi chez Leila Taghinia-Milani Heller (New York) méritaient aussi le détour. Signe des temps et du contexte géographique, les stars occidentales étaient reléguées en périphérie, un Murakami et un Hirst se faisant face sur les murs extérieurs respectifs d’Emmanuel Perrotin (Paris) et d’Haunch of Venison (Londres, Zurich, New York).
Si les galeries locales ont fait feu de tout bois, le commerce fut comme toujours lent, voire inexistant, pour les enseignes occidentales. Kamel Mennour (Paris) a malgré tout cédé la belle installation de tapis évidés signée Latifa Echakhch à une collectionneuse iranienne. La Galerie Thomas (Munich) a, elle, vendu un tableau de Mingyue Wang à la famille royale d’Abou Dhabi, tandis que Michael Schultz (Berlin) s’est délesté d’une toile de l’artiste coréen SEO. Deux œuvres de Farhad Moshiri ont trouvé preneur chez Emmanuel Perrotin. Pour attirer le chaland, certains avaient révisé leurs prix à la baisse. Ce qui n’a pas empêché quelques clients d’exiger des remises drastiques. « On a refusé de vendre au collectionneur Farhad Farjam, qui nous demandait une réduction de 50 %, confiait Kamel Mennour. C’est trop demandé. Mes prix ne sont pas gonflés, ce sont de vrais prix ! »

Censure à l’iranienne

Lors du vernissage le 16 mars de l’exposition des œuvres à quatre mains des Iraniens Bita Fayyazi et Rokni Haerizadeh à la galerie B21 à Dubaï, les deux artistes exprimaient leurs craintes de rentrer dans leur pays natal. La semaine précédente, la police de Téhéran avait débarqué chez un collectionneur iranien pour retirer des œuvres jugées indécentes de Bita Fayyazi et de Ramin Haerizadeh, frère de Rokni. « Ils ont enlevé des murs la série “Men of Allah”? en disant que c’était de la sorcellerie, raconte Ramin Haerizadeh. J’ai demandé à Farbod Dowlatshahi [propriétaire de la galerie B21] de prolonger mon visa à Dubaï. J’ai aussi prévenu Charles Saatchi qui expose actuellement mes œuvres. Il devrait me faire un visa pour Londres. Je ne veux pas rentrer en Iran avant les élections présidentielles de juin, sinon je serai arrêté. » Son jeune frère Rokni redoute aussi ce retour : « La police a mis actuellement des scellés sur la maison du collectionneur, mais elle n’a pas tout fouillé. À l’étage se trouve un de mes tableaux représentant une scène d’orgie que la police n’a pas encore découvert ! » La censure frappe tous azimuts. Récemment, la galerie Fereydoun Ave (Téhéran) a dû fermer faute de posséder une licence en bonne et due forme.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : Des nouvelles des Émirats

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