Émirats arabes unis - Politique

La bataille des Émirats

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 17 février 2011 - 776 mots

Abou Dhabi, Dubaï, le Qatar… plusieurs pays du Moyen-Orient se disputent le statut de carrefour culturel et commercial. État des lieux des forces et faiblesses.

Abou Dhabi, Dubaï ou le Qatar ? Ces trois États se tirent la bourre pour s’imposer en carrefour culturel et commercial dans le Moyen-Orient. Abou Dhabi s’est lancé dans des projets muséaux pharaoniques, en louant des marques étrangères tel le Louvre ou le Guggenheim. La cité avait aussi sollicité en 2007 les organisateurs d’Art Paris pour qu’ils y organisent une foire. Après deux éditions de qualité moyenne, les autorités ont repris les commandes du salon et rallié de grandes pointures internationales tel Gagosian, Zwirner, Thaddaeus Ropac. Pourquoi ces éléphants du marché s’empressent-ils à Abou Dhabi ? Dans l’espoir de vendre aux musées en construction. Il n’y existe pas encore d’acheteurs, hormis la famille royale. Lors des vernissages des deux dernières éditions d’Abou Dhabi Art, les visiteurs venaient principalement de Dubaï. 

Art Dubaï versus Abou Dhabi Art
Bien que considérée par les conservateurs d’Abou Dhabi comme une Babylone décadente, Dubaï reste un ballon d’oxygène pour la région. C’est là que réside le collectionneur iranien Farhad Farjam, lequel a ouvert un espace privé dans le district financier de la ville pour montrer sa collection. Dans l’émirat voisin de Sharjah, cité-dortoir des travailleurs de Dubaï, le sultan Sooud Al Qassemi a installé sa collection baptisée Barjeel, au sein du centre d’art Maraya inauguré en 2010.
Outre la présence des collectionneurs, Dubaï compte aussi une quarantaine de galeries, dont certaines comme Isabelle Van den Eynde, The Third Line ou Carbon 12 ont déjà rejoint les foires étrangères. « Les atouts de Dubaï sont indéniablement la présence en nombre des galeries d’art contemporain. C’est ici que l’art de la région se dévoile et se vend, constate Isabelle Van den Eynde. Il n’y a pas d’équivalence à Abou Dhabi et Doha pour le moment, car ces deux capitales sont peut-être plus concentrées sur leurs musées, et donc leur rôle sera plus éducatif et culturel sur le long terme. »
L’émirat a donné naissance à la foire Art Dubaï, organisée du 16 au 19 mars. En cinq éditions, celle-ci a acquis une maturité et une reconnaissance telles qu’elle accueille cette année des vraies têtes chercheuses comme la Parisienne In Situ, le Berlinois Johann König ou la Londonienne Pilar Corrias. On voit d’ailleurs que si les poids lourds du marché guignent vers Abou Dhabi, les galeries les plus prospectives et intellectuelles comme la Parisienne Chantal Crousel ou l’Allemande Andrée Sfeir Semler préfèrent Art Dubaï. « Le modèle d’Art Dubaï et d’Abou Dhabi Art est différent. Abou Dhabi est financé par le gouvernement, alors que Dubaï fonctionne comme un vrai business. Art Dubaï se positionne plus comme un carrefour pour les différentes cités de la région », indique Antonia Carver, directrice d’Art Dubaï. 

Le Qatar versus l’Arabie Saoudite
De son côté, le Qatar a déjà construit un remarquable musée d’art islamique, dont la qualité des chefs-d’œuvre dépasse parfois ceux du Louvre ou du British Museum. En décembre dernier, le pays a aussi posé les jalons du premier musée d’art moderne et contemporain de la région [lire L’œil n° 632]. « Le Qatar a un plan à long terme. Abou Dhabi a soudain voulu importer quelque chose de l’extérieur. Mais dans dix ans, il y aura une interaction entre le Qatar et Abou Dhabi », estime le scheik bin Mohamed bin Ali Al-Thani.
Sur le plan du marché, Sotheby’s a organisé depuis 2009 deux ventes à Doha, la dernière sur la calligraphie, ayant engrangé 5,6 millions de dollars en décembre dernier. « Nous avons choisi Doha, car nous avons des clients de haut niveau au Qatar depuis vingt ans », indique Jonathan Massey, directeur pour le Moyen-Orient chez Sotheby’s. Mais dès maintenant, les regards se portent vers l’Arabie Saoudite, qui prépare plusieurs complexes culturels. « L’Arabie Saoudite est un marché très important pour nous, confie Jonathan Massey. Il y a là un grand appétit pour l’art et c’est une économie dominante. » Le nerf de la guerre.

Repères

Collection Mohamed Said Farsi
Cette collection d’œuvres vendues en trois temps a relancé les ventes de Christie’s Dubaï en générant 8,7 millions de dollars en avril 2010, puis 6,7 millions de dollars en octobre.

Vente Hurouf
organisée par Sotheby’s en décembre 2010 à Doha, cette vente autour de la calligraphie ancienne et contemporaine a généré 5,6 millions de dollars. À cette occasion, une peinture de 2010 de l’artiste égyptien Ahmed Moustafa s’est adjugée pour 842 500 dollars.

Art Dubaï
montée voilà cinq ans, cette foire est devenue une vraie plate-forme d’échange pour la région, grâce notamment à ses forums invitant des curateurs étrangers.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°633 du 1 mars 2011, avec le titre suivant : La bataille des Émirats

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