Des maîtres à l’épreuve du goût ambiant

Organiser au XXIe siècle une exposition de maîtres anciens des XIXe et XXe a ceci de courageux que les œuvres de ces supposés maîtres sont de plus en plus introuvables. Du coup, aligner une soixantaine de pièces comme le fait la galerie Schmit relève du tour de force. Le panorama ne suit aucun critère spécifique, si ce n’est l’inscription des artistes dans les annales de l’histoire, et une inclination pour des œuvres identifiables. Il en va ainsi des baigneuses au teint rose et campagnard de Pierre-Auguste Renoir ou des vues parisiennes en camaïeu gris d’Albert Marquet. On retrouve aussi quelques transfuges d’expositions précédentes organisées par la galerie comme les petits bronzes d’inspiration étrusque d’André Derain ou une nature morte d’un cubisme tardif de Jacques Villon. Au détour d’images insipides, ou trop rebattues pour qu’on en apprécie encore la saveur, le regard s’attarde sur quelques pépites comme le petit portrait de Picasso sur carton par Amedeo Modigliani ou la chair torturée d’une femme en rouge de Chaïm Soutine. Ou encore cette étude de chats et tête de Paul Gauguin ayant appartenu autrefois à Paul Mellonau, célèbre collectionneur américain. Si les tableaux mondains de Kees Van Dongen abondent sur le marché, il est plus rare de tomber sur la palette fauve d’une Belle Fatima (1906), que la galerie a judicieusement choisie pour la couverture de son catalogue. Inconsciemment, l’exposition témoigne de l’évolution du goût, en mélangeant des œuvres au faible pouvoir mural, ce fameux wall power qu’évoquent les professionnels, et d’autres spontanément attractives. Et le regard, tout comme le marché, délaisse les premiers au profit des seconds...