Foire & Salon

Cosmoscow, la foire russe d’art contemporain, encore loin d’être cosmopolite

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 15 septembre 2015 - 767 mots

MOSCOU / RUSSSIE

MOSCOU (RUSSIE) [15.09.15] – La seule foire d’art contemporain russe qui vient de fermer ses portes, souffre du contexte politique et économique et n’accueille que très peu de galeries occidentales.

En dépit des efforts louables des organisateurs, la seconde édition de la foire russe d’art contemporain Cosmoscow, qui s’est achevée dimanche, ne parvient pas à se hisser au-dessus de la foire régionale. Signe que le marché russe continue de se contracter, seules cinq galeries occidentales ont fait le voyage à Moscou (Blain/Southern, Javier Lopez & Fer Frances, NK, One Gallery et Rosenfeld Porcini). Parmi les 34 galeries présentes, une poignée vienne des anciennes républiques soviétiques (Géorgie, pays baltes, Ukraine, Kazakhstan), une autre poignée vient de la province russe, tandis que l’écrasante majorité est moscovite.

Autre indicateur de la frilosité des acheteurs, les enchères organisées jeudi soir en faveur de la Naked Heart Foundation du mannequin Natalia Vodianova, n’ont levé que 168 000 euros contre 231 000 euros l’année dernière.

La foire Cosmoscow occupe depuis 2014 le vide laissé par la disparition subite d’Art Moscow, la foire historique d’art contemporain russe. Si Art Moscow se caractérisait par des prix excessifs, une organisation chaotique et un lieu poussiéreux (la Maison centrale des Artistes), Cosmoscow se distingue par un professionnalisme comparable aux grandes foires occidentales. L’événement se déroule dans le prestigieux « Gostinni Dvor » à deux pas de la place Rouge et s’appuie sur de solides sponsors.

Les apparences léchées de Cosmoscow contrastent avec un objectif plus modeste : faire découvrir de jeunes artistes russes à une large audience. Rares sont les oeuvres de grands noms dépassant les 100 000 euros. La plupart des œuvres sont comprises entre 2 000 et 6 000 euros, accessibles au grand public. Cosmoscow n’a pas fait pression sur les galeries mais a tout au plus demandé à ne pas effrayer le public, explique Margarita Pouchkina, co-directrice de la foire. Selon elle, « les galeristes ont fait preuve de bon sens ».

Gary Tatintsian, qui possède deux galeries du même nom à New York et à Moscou, va à contre-courant en exposant des artistes reconnus, pour l’essentiel étrangers et nettement plus chers (Peter Saul, Tony Matelli, Keiichi Tanaami, Ilya Kabakov). « Ce n’est pas le prix qui compte. C’est la qualité. Beaucoup de mes confrères se pointent à Moscou dans l’espoir de se débarrasser de leurs invendus. Il ne faut pas prendre les Russes pour des idiots. Moi, je propose des oeuvres correspondant au goût de mes collectionneurs russes.» Esthétiquement, l’espace Tatintsian tranche sur les autres galeries par son caractère pop, avec des oeuvres d’un dynamisme extrême, tout en couleurs criardes.

Sur les invendus, le galeriste n’a pas tort. Toute personne visitant régulièrement les foires et expositions d’art contemporain moscovites aura remarqué qu’un bon quart des oeuvres accrochées à Cosmoscow circulent depuis longtemps.

La stratégie ambitieuse de Tatintsian fait par contre naître des rumeurs. Le bruit court que Tatintsian a fait un tabac en vendant un Kabakov pour 1,6 million de dollars. Il réfute. « J’ai eu plusieurs réservations, mais comme souvent, les transactions sont réalisées dans un second temps, après la foire ». Il assure que, pour lui, les affaires se portent très bien.

Tous les galeristes interrogés par le Journal des Arts se disent globalement satisfaits de Cosmoscow. Ekaterina Iragui (galerie Iragui) indique avoir vendu plusieurs oeuvres de Pavel Pepperstein et Sergey Anufrieva pour des oeuvres allant jusqu’à 10 000 euros. Pour elle, la foire « nous a apporté de nouveaux clients. Nous connaissons tous les collectionneurs. Mais nous voyons ici émerger de nouveaux visages, une nouvelle génération qui connaît l’art contemporain ». Même son de cloche chez les galeries provinciales (HLAM de Voronej et Tolk de Nijni-Novgorod), qui vendent des oeuvres à moins de 6 000 euros. Le fondateur de HLAM Alexeï Gorbunov a déjà réussi à lancer plusieurs artistes de sa région grâce à Cosmoscow. Rusent Korenchenko (Tolk) parie carrément sur la génération 20-25 ans. « Ils sont passionnés par l’art contemporain, contrairement à leurs aînés. Ils grandissent avec nous. Notre chiffre d’affaires progressera à mesure que leurs revenus augmenteront ».

Seule Olga Temnikova (galerie Temnikov & Kasela) qui a fait le voyage de Tallin, concède que le marché russe est « quelque peu déprimé » et « très spécifique ». Elle a bien vendu des peintures de Kaito Ole et des céramiques de Kris Lemsalu, mais a été contrainte en revanche de dissimuler sous la table des oeuvres portant des slogans LGBT « sur les conseils du juriste de Cosmoscow ; nous participons à de nombreuses foires internationales, mais nous ne sommes incités à l’auto-censure qu’à Moscou ! »

Légende photo

La foire Cosmocow dans le Gostinni Dvor à Moscou © 2010—2015 COSMOSCOW / cosmoscow.com

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