Échappant à la mainmise des « auctioneers », dix œuvres de l’ancienne et mythique collection André Lefèvre réapparaissent à Drouot sous le marteau de Claude Aguttes.
PARIS - Deux toiles de Joan Miró, un pastel et une aquarelle signés Pablo Picasso, deux dessins de Fernand Léger, deux gouaches d’Henri Laurens et deux tableaux de Juan Gris : tel est le trésor découvert par le commissaire-priseur neuilléen, Claude Aguttes, et son expert Dan Coissard dans la chambre forte d’une banque parisienne. Les propriétaires, qui n’avaient pas imaginé s’en séparer, avaient convoqué les deux professionnels pour une expertise en assurance. Ces derniers évaluent sans hésitation l’ensemble à plus de 10 millions d’euros. Les propriétaires, qui savaient qu’ils possédaient un joli patrimoine, ignoraient qu’ils étaient multimillionnaires. Les deux professionnels leur expliquent alors que le marché est très fort pour l’art moderne, surtout pour des œuvres de qualité et quasi-inédites sur le marché. Cerise sur le gâteau, cette petite collection possède un pedigree en or : elle provient directement par héritage de l’ancienne collection André Lefèvre. « Plus qu’un pedigree, c’est un label pour l’art moderne », insiste Dan Coissard.
André Lefèvre a cessé son activité de banquier après la Première Guerre mondiale pour se consacrer à l’art de son temps. Les 275 tableaux qu’il avait réunis, parmi lesquels de nombreuses œuvres cubistes, furent dispersés après sa mort en plusieurs vacations historiques, au Palais Galliera, en 1964, 1965 et 1967. Une trentaine de toiles ont été léguées aux musées nationaux tandis que plusieurs œuvres ont été conservées par ses neveux.
Les services « plus »
Comprenant l’opportunité que représenterait une vente, les héritiers se laissent le temps de la réflexion. Ils consultent deux autres maisons de ventes, ainsi Christie’s. Mais si les experts tombent d’accord sur la valeur des œuvres, la multinationale, telle une grosse machine de guerre, ne mise pas sur le relationnel. Le contact fut foncièrement mercantile, trop pressé et impersonnel de l’avis des intéressés. Le contrat de vente est donc signé avec Claude Aguttes. « Ma force réside dans le temps que je passe avec mes clients, rapporte le commissaire-priseur. J’ai toujours été à leur entière disponibilité, joignable à n’importe quel moment sur téléphone portable. Un service “plus” qui fait la différence. » Et, prévenant l’angoisse des vendeurs quant aux sommes d’argent en jeu, le service « plus » de la SVV Aguttes consiste à leur fournir un suivi de clientèle, comprenant une information précise sur leur situation fiscale après la vente. Les œuvres ont été exposées à New York, début décembre, chez l’associé de Dan Coissard, qui possède un bureau outre-Atlantique.
Estimé 5 à 7 millions d’euros, Blue Star (1927), de Miró, est véritablement l’œuvre vedette de l’ensemble. L’artiste considérait lui-même cette toile comme une des plus emblématiques et représentatives de son art. « Nous avons regardé les photos des peintures susceptibles de le représenter et il m’a tout particulièrement signalé Étoile bleue en tant que tableau clé de son œuvre de cette époque. L’importance de ce tableau aux yeux de Miró tient au fait que l’on y trouve exceptionnellement la représentation de figures humaines et de signes cosmiques réunis dans une seule image...», écrit l’historienne et critique d’art Rosalind Krauss, dans un courrier adressé à Mme Lefèvre lors de la préparation de l’exposition Miró au Musée Guggenheim, à New York, en 1971. Autre œuvre majeure estimée 1,5 à 2,5 millions d’euros, L’Absinthe (1902-1903), de Picasso, est un portrait « période bleue » à l’aquarelle du poète Cornuty. La toile fut prêtée à l’occasion de l’exposition « Max Jacob et Picasso » au Musée Picasso (Paris) en 1994. Notons également Oiseau (1926), autre toile de Miró, estimée 2,5 à 3,5 millions d’euros, ainsi que L’Arlequin (1918), peinture cubiste de Juan Gris, estimée 1,5 et 2 millions d’euros.
Vente le 21 décembre à Drouot, 9,rue Drouot, 75009 Paris, SVV Aguttes, tél : 01.47.45.55.55 ; expositions publiques : le 15 décembre 11h-18h, le 16 décembre 14h30-18h au Traveller’s Club, 25, av. des Champs-Élysées, 75008 Paris, et les 18, 19 et 20 décembre 11h-18h à Drouot, www.aguttes.com
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Complètement Miró
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Complètement Miró